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8 juin 2008 7 08 /06 /juin /2008 08:40

J´entends dire depuis que j´habite la Norvège que le norvégien est une langue pauvre. Rien n´est plus faux. C´est une langue simple et transparente pour tous ceux qui la parlent et la lisent, ce qui est tout à fait différent. Elle a aussi ses profondeurs, notamment dialectales, qu´un poète comme Olav H. Hauge sait exploiter.

Un ophtalmologiste est un " médecin des yeux " ( = øyelege/augelege ), un hémophile un " saigneur" ( = bløder ), le diabète la " maladie du sucre " ( = sukkersyke ) , - même si le diabétique est autant un
" malade du sucre " qu´un " diabetiker ". Il va sans dire que la nostalgie est " le mal du pays " ( = heimve ). Ces étymologies sont claires pour tout le monde. Pour les Francais qui ont quelques notions d´allemand, il y a là un air connu.

À la naissance de mon premier fils, je n´ai pas eu besoin de chercher dans le dictionnaire la signification du mot placenta, car c´est ici " le gâteau de la mère " ( = morkake ou morkaka ). Comme bouse de vache est
 " gâteau de vache " ( kukake/kukaka).

Tout n´est cependant pas aussi simple, notamment quand on parle du temps. Le solstice d´été, qui s´approche à grandes heures en ce mois de juin radieux, est " la disparition du soleil " ( = solverv/solkverv ), et non son " arrêt " dans le ciel. Quant à équinoxe, sa complexité n´est pas si apparente, si l´on sait que le mot " døgn " exprime le jour complet, soit 24 heures montre en main. L´équinoxe, c´est donc le jour où les deux parties de la journée sont égales ( = jevndøgn/jamdøgn ).

Juin n´est guère propice pour parler neige. Les Sames ( ou Lapons ) ont parait-il sur ce sujet un vocabulaire beaucoup plus riche que celui des Norvégiens. Je ne peux en juger. Je me contenterai de " sludd " qu´on ne peut traduire qu´en associant au mot neige divers adjectifs, ce qui donne " neige mouillée ", "neige fondante", "  neige fondue " , ou encore " neige mélangée de pluie et d´eau ". 

La simplicité étymologique que tout le monde comprend n´empêche pas la nuance et la justesse pour dépeindre sa condition d´homme. " Alene/aleine/åleine " est tout autre chose que " ensom/einsam " = 
" seul ". Pour la raison évidente  (et non pas simple raison ) qu´être " seul " chez soi n´a guère à voir avec le fait de se sentir " seul ".

Le plus grand défi est pour moi la traduction du mot " lengsel ". Ce mot évoque en même temps " regret ",
" nostalgie " et " désir ", " envie " . Il se tourne aussi bien vers le passé que vers le devant. Je ne vois que Baudelaire a l´avoir approché quand il parle d´aspiration ou de Spleen. C´est en lisant Agnar Mykle ( 1915-1994 ) et son Lasso rundt fru Luna ( = Lasso autour de Madame La Lune ) que j´ai senti la valeur abyssale du mot lengsel. Quand traduira-t-on Mykle en francais ? Parmi les romanciers du XXe siècle, il est l´un des plus profonds.

J´ai dépassé d´être, pour les Francais, un peu trop Norvégien, et d´être, pour les Norvégiens, encore trop Francais. Je ne dis plus que je suis norvégianisé. Désormais, je suis un Francais qui vis en Norvège. Difficile de vraiment comprendre pourquoi ca marche, mais ca marche. C´est là l´essentiel.

Plus jeune, je trouvais que le norvégien et le francais étaient des langues quasi inconciliables. Je ne vais plus jusque là. Mais il est incontestable que ces deux langues expriment deux manières de voir fort différentes. Pour le francais, il y a " danger de mort " ; pour le Norvégien, c´est " danger de vie ". Nuance.
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Photo du haut : bleuet des champs ou centaurée un solstice d´été.
Photo au centre : paysage de neige.
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3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 18:00


"Le vase de pivoines sur piedouche"Edouard Manet est une composition qui a frappé Van Gogh quand celui-ci travaillait à une série de bouquets. Son interprétattion n´est pas simple.

La pivoine arbustive est une fleur au port de reine.

Le tableau de Manet est une composition dans laquelle la pivoine mêle des fleurs épanouies avec des fleurs étiolées sur le point de se faner.

Au dix-neuvième siècle, la pivoine était une plante de luxe, mais qui ne pouvait en aucun cas être comparée au dalhia. Il n´est cependant pas impossible de penser que la composition de Manet exprime le thème de la beauté éphémère, rejoignant ainsi le thème des "vanités" cher aux peintres flamands et espagnols du XVIIe siècle qui mettaient en avant l´évanescence de la beauté et le caractère transitoire de la vie.

Il n´est pas dérisoire de rappeler que les fleurs de la pivoine arbustive portent de cinq à dix pétales pour les formes les plus simples, et beaucoup plus pour les fleurs semi-doubles, doubles ou mêmes globuleuses.

Pour les Chinois, la pivoine arbustive, selon les divers états de développement de sa fleur simple, semi-double ou double, représente les trois stades de la vie.

Je viens d´acheter quatre pivoines; trois pour mon petit jardin du haut, près de mon entrée : une rouge pourpre, une rose épanouie et une blanche. La quatrième, également rose, est pour mon jardin un peu plus grand, celui du bas. Elle se tiendra près d´un hortensia, assez loin d´un petit arbuste qui donne à l´automne des myrtilles.

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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 14:55

Cher Papa !

Ma lettre d´aujourd´hui sera très courte. Elle n´est à vrai dire qu´un prétexte pour te parler de deux photos récentes de tes deux arrières-petites filles. Ces deux photos n´ont pas été prises à l´occasion de la fête nationale norvégienne du 17 mai, mais en avril pour l´anniversaire de leur papa. Ce jour-là, j´étais, d´abord au théâtre, puis devant le nouvel Opéra d´Oslo pour assister à un magnifique feu d´artifice.

Comme tu peux le deviner, ce sont deux petites filles pleines de vie qui n´ont ni les yeux ni leur langue dans leur poche.

L´aînée a maintenant 4 ans et demi,- et bavarde comme un pie. 

La plus jeune n´a que 26 mois, mais elle est déjà capable de faire des phrases complètes. Assise sur une balancoire, emmitouflée dans son ciré tout rouge, elle m´a demandé en norvégien, avec un immense sourire qui éclairait tout son visage le jour de la fête nationale : "Dis, Grand-Père, tu peux m´ pousser plus fort ?" 

Je pense t´écrire plus longuement d´ici peu. J´espère que tu ne m´en veux pas de t´avoir donné si peu de signes de vie ces derniers temps. Mais j´hésite entre plusieurs sujets. Sache cependant que tout va bien.

Je t´embrasse affectueusement.

Ton fils Bernard

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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 12:52
J´ai écrit hier quelques lignes sur Mai 68. J´ai volontairement évité d´écrire sur moi-même, car je voulais alors privilégier ce que, à mes yeux, ces événements ont réellement introduit dans la société francaise : pratiquement rien sur le plan politique ; un peu plus sur le plan social et la vie du quotidien.

Ce qui, me semble-t-il, reste le plus présent à la mémoire, ce sont peut-être, finalement, des affiches d´archives style " Révolution culurelle chinoise ;   plus de très belles photos noir et blanc.

Cela m´amuse cependant de revenir sur ce que personnellement j´ai fait durant ces deux mois. J´étais beaucoup plus spectateur que vrai partcipant. Mais je n´irai pas jusqu´à dire, comme Alain Minc aujourd´hui, que ce n´était qu´un monome.

Etudiant en Sociologie à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Tours, j´avais commencé une thèse de
 3ième cycle avec comme sujet ambitieux "Intégration et idéologies en milieu étudiant". Beau titre et beau sujet. Quoique.... Etudiant moi-même, je me contemplais le nombril.

Les événements, au-delà de toute espérance, ont démontré ce que j´avais pressenti et cherchais à dire :  les étudiants, groupe instable, mimaient les grands ancêtres de la Révolution avant d´occuper un poste stable et bien rémunéré. Les plus politisés à gauche ne faisaient que reprendre des slogans vieux de plus d´un demi siècle.

C´est amusé spectateur que j´ai assisté aux soubresauts de l´évacuation de la cour de la Sorbonne le 3 mai 68. Je sortais de la Bibliothèque Sainte Geneviève. Il devait être 17-18 heures. Le ciel au-dessus des arbres du Jardin du Luxembourg montrait que la journée avait dû être belle. J´ai ensuite pris Le Boul´ Mich pour me diriger vers le Boulevard Saint-Germain, désirant  prendre le Métro à la station Odéon dont l´une des bouches se trouve devant les éditions Payot. Mais avant d´y arriver, j´ai assisté, médusé, à la débandade des forces de police, qui refluaient devant une charge d´étudiants. C´est bien la seule et unique fois de ma vie que j´ai vu des flics casqués courir comme des lapins. Je ne peux me souvenir s´ils avaient ou non une matraque en main.  Mais je me souviens du visage étonné d´un bon nombre de passants.

Les 6 et 7 Mai, je me suis retrouvé du côté de Denfert-Rochereau, sans savoir exactement ce que je désirais faire. Le 8, après une manifestation sans incidents au Quartier latin, je me souviens que le mot d´ordre de dispersion a été mal accueilli par un grand nombre d´étudiants ; - sans que j´en comprenne la raison. 

J´étais un peu plus tendu dans l´après-midi du 10 Mai. La Sorbonne était toujours fermée. J´ai vu le soir tomber, les étudiants arriver, les CRS se regrouper, quelques manifestants narguer les policiers . La nuit tombée, les  premières barricades de la Rue Soufflot ont été érigées. Je suis passé de l´une à l´autre en ne restant jamais très longtemps auprès de chacune d´elles. Ce qui m´intéressait, c´était de voir et chercher à comprendre. Mais je n´arrivais pas à prendre au sérieux ces barricades. Certaines n´étaient construites que pour rivaliser avec celle de la rue voisine. Si mes souvenirs sont bons, on a en a construit un peu plus d´une soixantaine.

C´est peu après les 2 heures du matin que les forces de l´ordre ont commencé à avancer pour nous déloger. J´ignore qui, de De Gaulle, Pompidou ou le Préfet Maurice Grimaud, a pris cette décision. Mais ce dont je me souviens parfaitement bien pour l´avoir lu plus tard, c´est qu´en aucun cas les policiers ne devaient s´acharner sur un étudiant tombé à terre. Les étudiants que nous étions étaient tous, plus ou moins, des fils à Papa. Il ne fallait donc pas estropier à vie un seul de ces étudiants-manifestants. Et encore moins dénombrer des morts. Surtout que le monde entier avait les yeux tournés sur Paris : les pourparlers entre les Etats-Unis et des représentants des deux Viet Nam devaient en effet s´ouvrir à Paris dans les heures ou les jours  à venir. La tactique policière a pour moi été rapidement très claire : permettre, à chacun d´entre nous, de rentrer chez soi par une rue de traverse.

Comme beaucoup d´étudiants, j´ai pris, peu avant 6 heures du matin, l´un des premiers métros. J´ai oublié où, mais c´était loin derrière la Rue Mouffetard. Des policiers s´étaient postés en haut des marches. En un dizième de seconde, j´ai revécu un autre contrôle de police auquel j´avais échappé alors que j´avais 13 ou 14 ans. Avant de gagner cette bouche de métro, j´avais sorti de ma poche une cravate pour la nouer autour du col de ma chemise. A la main, je balancais une petite serviette fort laide et usée que j´avais trimbalée toute la nuit. Deux policiers, une matraque en main, se sont avancés. Plusieurs autour de moi ont cru bon de détaler à toutes jambes ; - ce qu´il ne fallait évidemment pas faire. J´ignore ce qu´il est advenu d´eux. Le coeur battant, j´ai dépassé les CRS qui me dévisageaient. Sur le quai du métro, seuls attendaient, deux ou trois hommes beaucoup plus âgés que moi. 

Tout mai, j´ai continué à me mêler à d´autres manifestations. Je ne me suis jamais rendu devant des usines occupées.

Je suis allé sur les Champs Elysées en passant devant l´Assemblée Nationale sans la prendre.  J´ai scandé avec entrain le slogan que je trouverai à jamais magnifique Nous sommes tous des Juifs allemands ! Je me suis rendu au Stade Charlety sachant que Pierre Mendès-France y serait. Puis je me suis lassé, sans doute, comme je l´ai lu bien plus tard dans L´Education sentimentale à propos de Fédéric Moreau, " par manque de ligne droite ".

Après les "Accords" de Grenelle et le décompte à la baisse du monbre de grévistes par les caciques du Parti Communiste, je me suis "dépolitiqué".

En octobre de la même année, je suis entré, comme on dit, dans la vie active. Une page était définitivement tournée. A défaut de la relire, je trouve amusant de chercher à la réécrire.

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 14:32
Je me souviens de Mai 68. Mais que faut-il en faire 40 ans après ? L´encenser ? L´oublier ?  Ou le liquider comme l´affirme Sarkozy ?  


À vrai dire, Mai 68 n´a pas d´héritage ; c´est, tout au plus, un moment du passé.

Il est pourtant certain que le Mai 68 français est différent des autres pays : ses ouvriers ont paralysé toute la France en se mettant en grève ; et un an plus tard, De Gaulle s´est retiré du pouvoir, tirant sans doute autant la leçon du slogan de 68 " Dix ans, ca suffit ! " que du "Non" des Français à un référendum-plébiscite mal organisé sur la Régionalisation.

Pour ma part, dans le Mai 68 que j´ai vécu personnellement ( peu importe comment ), je vois essentiellement ce qu´il a apporté dans le social et le quotidien : le déclin de l´autorité ; la montée du féminisme ; le début de l´individualisme ; le désir de jouir sans entraves. Je ne tiens pas à développer davantage car je n´ai rien à commémorer.

Dans le domaine du politique, je ne peux oublier la totale immaturité des étudiants qui, pour prolonger une manifestation festive au Quartier latin, ont gagné les Champs-Elysées en passant devant l´Assemblée Nationale sans la prendre ; ni les regards ahuris des CRS canalisant le cortège, ni ceux ébahis de nombreux badauds, ni enfin le visage hilare de quelques députés sans doute sortis pour sentir le vent.

À ces "événements-écume-des-choses" chers à Valéry Paul ( et non Giscard ), - et désormais, je l´espère,  en dehors de toute nostalgie politique  ( vraie ou fausse ... ) -, j´ajouterai ce magnifique slogan scandé par des dizaines de milliers de voix pour se solidariser avec un certain Daniel Cohn-Bendit interdit de séjour en France  :
Nous sommes tous des juifs Allemands !













Mais encore ? Rien. Après Sous les pavés la plage et les élections raz-de-marée de juin, la plage recouvrait les pavés.
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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 12:00
Au secours ! Le point-virgule se meurt, le point-virgule est mort ! Les défenseurs de la langue francaise l´affirment. Les écrivains ne l´emploient plus guère ; les journalistes encore moins. Il faudrait désormais faire court

Grammairien belge, Grévisse précise : "La virgule marque une pause de courte durée" ." Le point indique la fin d´une phrase." Le point-virgule, comme son nom l´indique, est un composé des deux. 

Grévisse
 explique abondamment l´utilisation de la virgule ; beaucoup moins celle du point. Pratiquement pas l´emploi du point-virgule. "Le point-virgule marque une pause de moyenne durée. Il s´emploie pour séparer dans une phrase les parties dont une au moins est déjà subdivisée par la virgule, ou encore pour séparer des propositions de même nature qui ont une certaine étendue. Il donnera deux exemples, mais contrairement à ses habitudes, il ne citera aucun écrivain. On ne saurait dire moins.


Ce que pour moi le point-virgule permet d´exprimer, c´est que la même idée continue tout en permettant au lecteur de réfléchir sur la ou les prolongations qu´elle permet ; ou au contraire, d´assener une conclusion essentielle. Pascal en avait le bon usage. Qu´on pense à son " L´homme n´est qu´un roseau, le plus faible de la nature ; mais c´est un roseau pensant. "

Ni Balzac, ni Flaubert, ni Victor Hugo, si dissemblables, ne le dédaignaient ; Gide non plus : "l´amour peut être aveugle ; l´amitié point." Beau raccourci, comme celui que Michel Houllebecq met en tête de son roman Platteforme pour décrire la pensée de son héros Michel : " Mon père est mort il y a un an. Je ne crois pas à cette théorie selon laquelle ont devient réellement adulte à la mort de ses parents ; on ne devient jamais réellement adulte."

Michel Houllebecq
use et abuse du point-virgule dans son roman. Je crois savoir pourquoi je me souviens bien de ce premier paragraphe. Il y a en lui de l´iconoclaste ; comme chez un certain philosophe-sociologue  Georges Lapassade que je connais un peu ; ou encore Louis Calaferte, que j´apprécie pour d´autres raisons.

Je ne sais pourquoi, mais j´ai en tête que Paul Léautaud méprisait le point-virgule. Je n´arrive pas à retrouver dans les quelques volumes disparates que j´ai de lui, cette assertion méprisante pour ledit point-virgule. Il est possible que je m´abuse. Moraliste à rebours, il a pourtant pondu cette phrase non dénuée d´intérêts ni de points-virgules : " Sans doute, rien n´est nécessaire, mais rien non plus n´est inutile ; si toute opinion est légitime, toute affirmation est un peu ridicule ; malgré leur différence, l´erreur et la vérité souvent se rejoignent ; et si toute beauté a sa tare, toute laideur a son but." ( Essais de sentimentalisme, cité par Hubert Juin, Paul Léautaud en verve, Horay, 2003 ).

C´est tout pour aujourd´hui ; qu´on se le dise.
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5 mai 2008 1 05 /05 /mai /2008 12:48

"Le glorieux chef-d´oeuvre de l´homme, c´est vivre à propos".

Jamais je ne me lasserai de revenir aux grands textes des écrivains incontournables. Montaigne est désormais, les ans aidant, celui auquel je reviens de plus en plus. Il dit "je", cite avec bonheur ceux qu´il lit et relit, et fait siennes sans être pédant, les citations qu´il lui plaît sans jamais prendre les philosophes, poètes et autres auteurs de son choix pour autre chose que ce qu´ils sont : de simples exemples qu´il mesure à son aune.

Au terme de sa vie, la sagesse ne vient plus d´autrui. Sa sagesse n´est pas davantage dictée par la seule raison. Il n´oublie les lectures de sa vie. Mais il pense désormais beaucoup plus à la somme de ses propres expériences qu´à celles de  Pierre, Paul ou César.

Il cherche simplement, devant le peu d´ans qui lui restent, à suivre Nature.  Et admet finalement : "
Les plus belles vies, sont à mon gré celles, qui se rangent au modelle commun et humain avec ordre : mais sans miracle, sans extravagance."

( Les Essais, "De l´Expérience", III, 13 ).
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4 mai 2008 7 04 /05 /mai /2008 11:02

Il est réconfortant que Claude Lévi-Stauss, 100 ans cette année 2008, ait toujours bon pied bon oeil. Ayant désherbé ma bibliothèque en plusieurs étapes, je n´ai plus sous la main ses principaux ouvrages que j´ai lus, relus et étudiés alors que j´étais à l´Université de Tours étudiant en sociologie. Peu importe aujourd´hui puisque ma seule ambition ou presque, c´est vivre comme Montaigne "les ans, dans leur marche...".

De Lévi-Strauss, me reste particulièrement en mémoire une phrase de Tristes Tropiques que j´aime et cite à tout bout de champ : "Le caché transparaît dans la manière dont il cherche à se cacher."
 
Belle formule de cet ethnologue agrégé qui non seulement sait écrire mais a su aussi penser toute sa vie hors des sentiers battus. Elle dévoile en un nombre de mots minimum les influences maîtresses qu´ont été pour lui la géologie, le marxisme, la psychanalyse puis la linguistique." Il n´y a de science que du caché." ( pour citer Bachelard de mémoire ).

Apprendre, en lisant la dernière contribution de Pierre Assouline, que Claude Lévi-Strauss avait souvent sous la main Les Essais de Montaigne me le rend encore plus cher car c´est faire de lui un vrai moraliste
 
Jeune et dans la force de l´âge, il n´aimait pas son époque. Il me plaît à penser qu´il aurait peut-être fait sienne cette phrase du Montaigne au terme de sa vie : J´accepte de bon coeur et recognoissant, ce que nature a faict pour moy : et m´en aggree et m´en loue. ( Les Essais, " De L´Expérience" , III, 13 ) . 

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24 mars 2008 1 24 /03 /mars /2008 12:14

Il y a des jours où il vaut mieux être modeste. Montaigne est l´un de ceux qui vous montre le mieux le chemin. Ses lectures ne sont pas désinvoltes et ses Essais tout autre chose que la somme des lectures de son auteur. Il digère ce qu´il lit, se retient d´assener et nous rend intelligent en nous laissant croire, ne serait-ce que le temps de le lire, que vous auriez pu penser ce qu´il écrit.

Mon dessein est de passer doucement, et non laborieusement ce qui me reste de vie. Il n´est rien pourquoy je me vueille rompre la teste : non pas pour la science, de quelque grand prix qu´elle soit. Je ne cherche aux livres qu´à m´y donner du plaisir par un honneste amusement : ou si j´estudie, je n´y cherche que la science, qui traicte de la connoissance de moy-mesmes, et qui m´instruise àbien mourir et à bien vivre. (...)
Les difficultez, si j´en rencontre en lisant, je n´en ronge pas mes ongles : je les laisse là, après leur avoir faict une charge ou deux. Si je m´y plantois, je m´y perdrois, et le temps : car j´ay un esprist primsautier : Ce que je ne voy de la premiere charge, je le voy moins en m´y obstinant. Je ne fay rien sans gayeté : et la continuation et la contention(*) trop ferme esblouit mon jugement, l´attriste et le lasse. Ma veue s´y confond, et s´y dissipe. Il faut que je la retire, et que je l´y remette à secousses (...) Si ce livre me fasche, j´en prend un autre, et ne m´y addonne qu´aux heures, où l´ennuy de rien faire commence à me saisir. Je ne me prens gueres aux nouveaux, pour ce que les anciens me semblent plus pleins et plus roides.
Montaigne, Les Essais, Des livres II, x.

(*) effort
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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 10:23
HectorFrappe.jpg
Une gifle que je n´ai pas recue ni même vue me hante depuis des semaines car c´est celle que ma mère a donnée un jour à mon père bien avant ma naissance. Pourquoi m´a-t-elle raconté cet épisode peu glorieux de sa vie ? Je l´ignore. Pourquoi cet épisode remonte-il à ma mémoire aujourd´hui ? J´ai quelques soupcons. Pourquoi en parler par écrit dans ce blog ? Sans doute pour exorciser une peur : celle de ne pas comprendre
 des actes que j´accomplis parfois sans pouvoir m´expliquer pourquoi je les ai acomplis.

Donc ma mère a giflé mon père, alors que jamais elle n´a porté la main sur moi. Elle ne m´a pas précisé les circonstances de son geste. A moi de l´imaginer. Etait-ce suite à une remarque désobligeante de mon père ? Etait-ce suite à un soupcon de ma mère ? Impossible de répondre aujourd´hui. Reste la douleur que je peux moi-même causer sans comprendre pourquoi je l´ai causée. 

Une gifle est une réaction. Celui ou celle qui la recoit est loin, quelquefois, de comprendre
 sa raison. J´en sais quelque chose pour, enfant, en avoir recu plus d´une de ma soeur qui perdait patience, faute d´arguments. Mais comment expliquer le geste de ma mère ? Qu´avait dit mon père ? Qu´avait-il fait ? De quoi le soupconnait-on ? Ma mère est restée silencieuse sur ce point.

Je supporte mal la violence au cinéma. Celle d´un homme sur une femme est courante. Celle d´une femme sur une homme est plus rare, mais il me semble qu´elle se banalise car elle se retrouve dans certains spots publicitaires, - même si  humour et l´ironie s´y trouvent.

Je ne pourrais jamais comprendre le geste de ma mère. Il restera toujours une énigme. Mais elle ne l´a jamais oubliée. Son retentissement était tel qu´elle a senti un jour le besoin de m´en parler, et de me faire part de sa honte. J´éprouve actuellement une honte analogue devant certains actes que je n´arrive à m´expliquer. Pas pudeur et prudence, je ne tiens pas à être plus explicite.


[ Illustration : Hector frappé à la cuisse ]
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