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16 septembre 2007 7 16 /09 /septembre /2007 09:03
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[ 14 ] - Les Essais de Montaigne se trouvaient en bonne place dans la bibliothèque de mon père, dans la collection des Classiques Garnier. J´ai découvert il y a peu que cette édition date de 1941-1942. Ce doit donc être au moment de leur parution que mon père s´est procuré ces trois volumes. Aucune marque ne me permet de dire qu´il les ait lus, mais ils étaient tous les trois en très piteux état. Je les ai donc jetés comme beaucoup d´autres. [ Photo ci-contre : Portrait peu connu de Montaigne âgé ]

Je les ai feuilletés pour la première fois lorsque je suis entré en classe de Seconde au Lycée Janson de Sailly. Je me souviens vaguement de notes, de variantes, et de traduction en francais moderne de plusieurs termes. Il y avait sûrement une introduction. Je ne me souviens pas avoir fait l´effort de la lire. Je me suis contenté à l´époque de lire des nombreux extraits publiés dans mon Lagarde et Michard, dont certains plusieurs fois. J´ai pu ainsi retenir de nombreuses formules plus célèbres les unes que les autres devenues des scies qu´on serine à l´envi sur la mort but ou bout de la vie, l´amitié, ou la tête bien faite plutôt que bien pleine. Formules fort belles par ailleurs. Il n´est pas indifférent de se souvenir qu´il demande à l´âme bien née : "Qu´il sache ce qu´il sait, au moins".

La Pléiade a publié au printemps de cette année 2007 une nouvelle édition des Essais.  Pour recevoir L´Album Montaigne gratuit qui lui était consacré, je n´ai pas hésité à me payer deux autres Pléiades. Il faut ce qu´il faut pour satisfaire ses vices. A chacun les siens. Loin de renier les miens. Le commentaire de Jean Lacouture est un peu trop précieux à mon goût, mais enfin il se lit. L´iconographie rassemblée par Anne Egger est somptueuse mais  largement décevante car elle n´illustre en rien le Montaigne intime des Essais. Elle ne montre pas davantage le siècle troublé par les pestes et les misères des guerres, notamment de religions. L´époque n´avait sans doute pas le coup de crayon de Jacques Callot et encore moinsl´oeil d´un Goya.

J´ai commencé à mieux connaître et apprécier Montaigne quand un de mes professeurs de propédeutique de Tours, Clémence Ramnoux pour la nommer, a imaginé devant nous le dialogue que Montaigne, Pascal et Descartes auraient pu entamer s´ils s´étaient rencontrés. Mais c´est bien plus tard, homme mûr et père de famille, que j´ai  commencé à soupconner la véritable mesure de la profondeur de Montaigne, quand j´ai entrepris de passser mon examen final de francais langue étrangère et de littérature en Norvège, même si je ne l´ai pas mis à mon programme. Notamment en lisant les analyses de l´universitaire Pierre Villey qui a dominé tout le XXe siècle par son interprétation de l´évolution de la pensée de Montaigne. Il distingue d´abord en effet un Montaigne stoïque dans les deux premiers livres, puis un Montaigne sceptique et épicurien dans le livre troisième, pour enfin voir un Montaigne soucieux de retouches dans sa vieillesse, et que les épigones ont repris d´éditions en éditions. L´íntroduction de l´édition de la Pléiade que je viens d´acquérir, écrite par Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin, est intitulée : " Un homme, un livre". Elle met largement en cause les troits strates que Pierre Villey aurait voulu voir. Montaigne " adjouste mais (...) ne corrige pas ". Pour eux, le scepticisme est déjà à l´oeuvre dans la strate stoïque, car Montaigne s´est toujours méfié de tous les dogmatismes philosophiques et autres. Les ajouts d´après le Troisième livre ne cherchent pas à peaufiner le style de manìère pédante et écarter les répétitions dissonantes pour asseoir sa légende naissante. Ils cherchent au contraire à donner à l´ensemble des Essais une cohérence que Montaigne annoncait dès son Avis au Lecteur. Les "sauts et gambades"  qu´il emprunte à Sénèque dès les livres un et deux sont avant tout affaire de style, manière à varier les points de vue et les sujets. Et non passer du dogmatisme stoïcien de sa jeunesse à un nouveau dogmatisme épicurien, apaisé et assagi par l´expérience et les ans. Il ne se repend de rien, ni de ses erreurs, ni de ses vices qu´il peut avoir acccomplis au cours de sa vie. La maladie et la vieillesse arrivent, comme il se doit, à son heure. Il ne peut que s´y résoudre. "Mais il refuse que son esprit se ride comme son visage."

Prodigieux Montaigne qui ne renie rien. Prodigieuse introduction, accompagnée en fin de volume, de notes succintes mais lumineuses qui vous aident à le mieux lire. Etonnante jeunesse et modernité d´un texte de plusieurs siècles qui nous apprend à vivre et à vieillir. ( ... / ...15 )



  

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