Atroce le temps
qui s´écoule
pour rien.
Rien ne me dit
Rien ne me tente.
Coule le temps,
Je demeure.
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[llustration : Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky dans La Chinoise de Jean-Luc Godard]
Atroce le temps
qui s´écoule
pour rien.
Rien ne me dit
Rien ne me tente.
Coule le temps,
Je demeure.
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[llustration : Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky dans La Chinoise de Jean-Luc Godard]
Une fois installé dans le fauteuil où j´allais rester plus de deux heures pour recevoir le traitement annoncé, l´une des infirmières me demande : "Vous voulez de la lecture ?" Pas un journal, pas un magazine, mais une activité dont le contenu est sans importance. Si j´avais dit oui, je ne sais pas ce que j´aurais retenu, j´ai été durant deux heures bombardé d´informations qu´on m´avait données auparavant et que je savais déjà. Etrange. Mais on peut comprendre l´expression autrement, un peu comparable à : "Vous voulez manger quelque chose ?"
"De la lecture" serait alors "De la nourriture". Après tout pas si mal.
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[Illustration : Picasso La lecture 1932]
Morose
et sans ressort,
je me laisse
bercer
aux chatoiements
d´automne.
Je chasse
ainsi
tant que je peux
mélancolie
et mes douleurs.
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- Deux photos d´un jardin l´hiver
[llustration : Guillaumin Paysage 1870]
Je suis inquiet pour Hélder du blog febra febril. Son dernier billet, daté de mercredi, parle, sur un air lancinant du Quatuor pour cordes no 3 de Philip Glass et sur fond de la Leçon d´anatomie de Rembrandt, d´hospitalisation. http://febrafebril.blogspot.com/2010/09/hospitalisboa-cateterismo-cardiaco.html
Au début du Chant III de l´Enfer de La Divine Comédie de Dante, on peut lire ce vers : VOUS QUI ENTREZ, LAISSER TOUTE ESPERANCE. De tout coeur, j´ose espérer qu´Hélder nous reviendra bientôt. Le premier cercle suffit.
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- Les élégies de Duino
[Illustration : Rodin La Porte de l´Enfer]
Assis dans mon séjour, je regarde sans voir le ciel immobile, sale et gris. Bruit sourd d´avion, tel un râle d´agonie. Asphalte mouillée. Je pense à demain. Dans ma tête se forment les phrases qu´il me faudra dire et entendre. Qu´en sortira-t-il ? De l´obscur ou du clair ? Rien d´autres que ceci : accepter l´entendu que j´aurai écouté.
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Assis dans l´autobus qui le ramenait chez lui, il essayait de ne penser à rien ; ce qui n´était pas facile tant les deux heures qu´il venait de passer l´avaient éprouvé. Les soubresauts de l´autobus ne le distrayaient pas vraiment. On se levait, on sortait, on entrait, on s´asseyait... Pourquoi faut-il que tant de femmes jeunes s´habillent aussi mal ? Il fit un effort pour porter son attention ailleurs. Quel âge pouvait bien avoir la femme assise en face de lui ...? Soixante-dix ans ... ? Un peu plus ... ? Un peu moins ...? Difficile à dire ... Elle avait sûrement été très belle dans sa jeunesse. Droite sur son siège, elle avait conservé toute sa vigueur malgré son âge, ses rides et son visage flétri.
Elle fit un léger mouvement sur son siège. Elle s´apprêtait à descendre. Légèrement de côté, elle avait tourné son corps vers la porte de sortie, mais gardé la tête vers l´avant de l´autobus. Il osa la regarder plus franchement. Les multiples et fines rides relevaient l´incarnat délicat de ses joues. Son front, moins flétri que le reste du visage, était étrangement blanc. Il surmontait deux larges yeux bleus assez pâles et quelque peu éteints. Ses cheveux argentés, tirés en arrière, lui donnaient un air légèrement revêche, mais sa bouche, ferme et pincée, montrait sa saine détermination. Le bus s´arrêta un peu brusquement. Elle se leva alors, et d´un pas décidé, sans se retourner, franchit le marchepied.
Il la suivit des yeux, tant sa grâce et sa prestance étaient belles.
Et pensa à ces roses sombres et quasi violettes qui commencent à se fâner mais qui conservent encore une saine vigueur sur leurs tiges dressées.
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J´ai dû hier m´y résoudre : je vais, dans mon jardin du haut, me séparer de deux arbres. Un alerte bouleau de deux ou trois ans qui gêne mon voisin de droite en entrant, obstruant la gouttière que nous avons en commun. Un bouleau plus imposant, de cinq ou six ans, dans l´angle opposé, et mitoyen avec la maison de ma voisine de gauche. Ils risquent à eux deux de déstabiliser tout l´édifice. Ils ont surgi d´eux-mêmes, un beau jour au printemps. M´en séparer me déchire ; mais je dois entendre raison.
Je les regrette déjà, tant j´aimais voir osciller leur cime au-dessus du toit et trembler leurs feuilles au moindre souffle du vent. Ils étaient signe de vie indomptée.
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L´après-midi était radieuse. Il restait pourtant dans sa chambre, un livre à la main, allongé sur son lit. La lampe était allumée malgré le jour.
Il tentait sans succès de retenir ce qu´il lisait, se demandant s´il ne devrait pas mieux sortir ; il faisait si beau dehors. Les reflets du soleil jouaient avec les plis du rideau tiré qu´un léger souffle de vent faisait bouger ; la fenêtre était entr´ouverte. Un reflet surtout l´attirait, furtif et changeant, tel une haleine vive et tiède.
Il bougea imperceptiblement : derrrière la cloison de sa chambre, dans l´appartement du voisin, le pas d´un enfant qui court se fit entendre, vif, alerte et décidé comme seul peut l´être celui d´un enfant de deux ans et demi que rien n´effraie. Il s´approcha de la fenêtre par le regard, et sentit par la pensée le souffle du jour, chaud et bienfaisant, lui caresser les joues.
Le pas de l´enfant cessa. Il ferma son livre et éteignit la lumière. Il ne désirait plus qu´une chose : voir autour de lui les reflets du soleil sur le rideau tiré.
Au réveil, la pénombre avait pris le dessus. Comment se résoudre à mourir ?
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Il avait apporté quelques crevettes, un reste de moules à la crème qu´il a dû réchauffer et une bouteille entamée de Chablis (encore frais). Je me suis laissé dorloter.
Il est parti après moins d´une heure. Nous avons parlé de tout et de rien. Autrement dit de rien.
Je note ici les signes d´un déclin : le dimanche d´un homme seul que son fils cadet vient voir ; regret qu´il ne soit pas resté plus longtemps ; soulagement que rien n´ait été dit.
Torpeur des jours : je ne tiens pas à transcrire des états d´âme.
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- Parfums d´asphodèles
[illustration : Ixia]
Tout le monde ou presque, sans pourtant être artiste, cherche "à exprimer le passage désespérément rapide des choses de la vie moderne" (Van Gogh).
La moindre photo en est la preuve.
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