Hommage des poètes français à Attila József (1905-1937), publié chez l´éditeur Pierre Seghers (1955, 91 pages) est un recueil très attachant. Il présente une bonne quarantaine de poèmes mis en vers français par vingt-six poètes de renom dont, entre autres, Paul Eluard, Alain Bosquet, André Frénaud, Georges-Emmanuel Clancier, Guillevic, etc. Trois de ces poèmes ont en français deux ou plusieurs versions, ce qui est d´un intérêt prodigieux car cela permet de faire comprendre non seulement la richesse de la langue du Hongrois mais aussi de révéler le style très différent de ceux qui ont accepté la comparaison, qu´ils s´appellent Claude Roy, Guillevic, Alain Bosquet (ou autres, moins connus aujourd´hui). Les traducteurs du hongrois, Albert Gyergyai, Claire et Ladislas Gara, s´étaient limités à le traduire littéralement. D´où les adaptations poétiques des poètes français. Certains poèmes reproduisent l´écriture des traducteurs. Le premier celle d´Àttila József. Ce recueil est une très belle réussite.
Les mots-clefs de l´oeuvre poétique d´Attila József proviennent clairement de sa vie, qui pour le moins, n´a guère été facile : un père qui fuit très tôt le foyer conjugal, une mère blanchisseuse qui meurt très jeune, l´Assistance Publique durant plusieurs années, la solitude, la faim, le froid, la misère, l´injustice, la révolte, le rejet, l´incompréhension, la neurasthénie, la peur de la folie, et pour finir ... le suicide. Quelle vie ! D´ou le caractère profondément émouvant de certains poèmes, dont celui qui va suivre, dans lequel sourd un ardent désir de famille, de foyer, de pays accueillants et bien sûr, aussi, de femme :
Berceuse
Pourtant elle me berce
Comme un lac de roseaux.
Bleuâtre le jour perce,
Un baiser sur les eaux.
Peut-être son amour
D´un autre va s´éprendre.
Qu´il la berce à son tour
D´un bercement si tendre.
(1928)
Adaptation de Guillevic d´après
la traduction de Ladislas Gara.
[illustration : Berthe Morisot Le Berceau 1872]
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