Suffit-il de dire que l´Espagnol Juan Muñoz (1953-2001) est l´inventeur d´"installations sculpturales" pour arriver à le situer dans l´art contemporain ? Rien n´est moins sûr, mais on s´en contentera provisoirement avant de trouver mieux. Il est certes réducteur de considérer Edvard Munch expressionniste ou Cézanne le précurseur du cubisme. Mais celà aide à les placer dans l´évolution des mouvements artistiques des siècles derniers. Giacometti ne se laisse heureusement pas enfermer par sa sculpture filiforme la plus connue Le Marcheur.
L´exploration de l´espace a toujours été premier chez Juan Muñoz. Tout, dès ses premières installations, renvoit à ce qui se passe dans l´espace que couvre le regard des êtres qui l´occupent. C´est signifier que ses sculptures énigmatiques interrogent directement le rapport que chacun de nous peut avoir à l´espace contemporain. Elles donnent à voir le poignant isolement de l´être humain dans le milieu urbain, largement théatral de la seconde moitié du XXe siècle. Le touriste est devenu roi : la place, la rue, le balcon, le parc, la gare sont ses lieux de prédilection.
L´homme peut être seul ; il peut être debout ou assis sur le balcon à rire avec le voisin du balcon d´à côté ; ou assis et rire à gorge déployée parmi d´autres sur les gradins de ce qu´on imagine être une salle de spectacles en plein air ; ou encore debout en groupes de trois ou quatre parmi une centaine d´autres debout comme lui ... ; - reste que l´essentiel est l´espace, la perspective du lieu. Des êtres, rapetissés, peuvent l´occuper, mais ils ne sont que des faire-valoirs. Leurs regards ne comptent pas. Seul compte, omniprésent, l´espace.
Quand les être sont vraiment présents, ils sont nains, ou clowns. Ils se voient peut-être, mais restent seuls avec eux-mêmes. Quand ils parlent, on peut voir leurs lèvres bouger, mais rien ne sort de leurs bouches silencieuses. Et quand un son en sort, c´est pour entendre à satiété dans un souffle à peine audible les bagaiements Did you said ? - I don´t say. Ils ne parlent pourtant pas pour ne rien dire. Ce n´est en rien un théâtre de l´absurde, même si Beckett ou Pirandello ne sont pas loin. Ils meublent l´espace comme d´autres occupent le temps.
Ils se renvoient ainsi implacablement leur propre intérieur de solitude et d´isolement : ainsi ces silhouettes assises avec cinq tambours. Ou encore ces Deux figures assises sur un mur. À vous de voir autre chose que la douleur et l´inquiétude.
Cf l´exposition au Tate Modern de Londres du
24 janvier au 27 avril 2009 .