HHhH de Laurent Binet (Grasset, 2010, 441 pages, 20,90 €) est un roman historique à la fois passionnant et irritant. Passionnant par l´enquête historique qu´il mène ; irritant par le style adopté.
L´enquête est minutieuse et respectueuse des moindres détails : l´opération "Anthropoïde", autrement dit l´assassinat à Prague en mai 1942 de Reinhard Heydrich, "l´homme de plus dangereux du IIIe Reich", également surnommé "le bourreau de Prague". L´opération, menée par deux parachutistes tchécoslovaques nommés Gabcík et Kubis, et choisis avec circonspection par les plus hautes instances des services secrets de Londres, sera sans faille. La cible, quant à elle, n´est pas des moindres : ce n´est rien moins que celui qui, lors de la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942, a su préciser en quelques phrases les modalités pratiques de la Solution finale : Reinhard Heydrich, "la bête blonde", le chef d´Eichmann et le bras droit de Himmler, celui de qui les SS disaient en allemand "Himmlers Hirn heisst Heydrich", autrement dit "le cerveau d´Himmler s´appelle Heydrich".
Mais le style que Laurent Binet a adopté est irritant au possible et gâche à chaque instant la reconstitution historique. L´intention est louable : comment, dans un roman qui se veut respectueux des moindres faits de la "Grande Histoire", concilier la fiction romanesque et la vérité historique ? Comment, en d´autres termes, pour qui veut respecter l´Histoire, renoncer au désir de romancer, et donner cependant à la Littérature un plein droit sur l´Histoire ? Difficile question.
Après le pavé des Bienveillantes de Jonathan Littel et le provocant Jan Karski de Yanneck Haenel, à vous de découvrir, en lisant ce roman, la voie très personnelle choisie par Laurent Brunet. Ce débat n´est cependant pas nouveau. Pour preuve l´exergue qui ouvre le romnan, tiré de l´ essai La Fin du roman du grand Ossip Mandelstam : "À nouveau la pensée du prosateur fait des taches sur l´arbre de l´Histoire, mais ce n´est pas à nous de trouver la ruse qui permettrait de faire rentrer l´animal dans sa cage portative."
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