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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 09:36

Quevedo1

Je découvre Quevedo et ses sonnets (1580-1645).(Francisco de Quevedo Les Furies et les Peines 102 sonnets. Choix, présentation et traduction de Jacques Ancet, Poésie / Gallimard. Edition bilingue, 2010, 300 pages).

 

Dans plusieurs de ses sonnets dit métaphysiques, sa langue baroque évoque avec force l´approche inéluctable de la mort, thème récurrent de son époque et que lui-même a vécu au plus près. Comme le rapporte le préfacier Jacques Ancet, on peut s´étonner avec Borges que Quevedo ne figure pas au Panthéon des lettres universelles. Du peu que je sais aujourd´ hui de cet Espagnol aux idées tranchées, ils doivent avoir raison. Pour preuve ce sonnet "métaphysique" qui, comme tous les autres sonnets que Jacques Ancet a traduits, reprend sans déroger la dure contrainte du décasyllabe et de la rime :

 

  OÙ L´ON SE REPRÉSENTE LA BRIÈVETÉ

             DE CE QU´ON VIT, ET LE NÉANT

        QUE SEMBLE CE QUE L´ON A VÉCU                               Quevedo2

 

"Hé là ! la vie !" ... Personne ne m´entend ?

À moi, les autrefois que j´ai vécus !

Dans mes années, la fortune a mordu ;

les heures, ma folie leur fait écran.

 

Et sans pouvoir savoir où ni comment

ma vigueur et mon âge ont disparu !

La vie manque, demeure le vécu,

je ne suis assiégé que de tourments.

 

Hier a fui et demain n´est pas là ;

aujourd´hui passe, et il passe sans fin.

Suis un fut, un sera, un est trop las.

 

Dans l´aujourd´hui, l´hier et le demain

je joins linge et linceul ; reste de moi

une suite présente de défunts.

 

Lien :

 - "Un souvenir" d´Yves Bonnefoy 

 

 

 

 

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 13:39

KertészSolitude

L´hiver 

avance

le ciel aux aguets

réinvente le jour

 

Au loin 

la mer

cache

dans ses creux

des papillons blancs

 

Humblement

après tant d´autres

j´apprends la patience

 

Liens :

 -Mélancolie et douleurs 

  - La ruse du temps

 

[illustration André Kertész Solitude 1960]

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 12:23

TolstoiHadjaMourat.jpg

Hadji Mourat est un remarquable roman réaliste que Tolstoï a écrit dans les dernières années de sa vie, de 1896 à 1904, alors qu´il avait plus de soixante-dix ans. Il démontre à chaque page que le Tolstoï des grands romans n´a rien perdu de sa force. (Folio classique, 258 pages. Edition présentée et annotée par Michel Aucouturier, traduit par Jean Fontenoy et Brice Parain).

 

Le roman s´ouvre sur un merveilleux souvenir personnel écrit et réécrit plusieurs fois.Tolstoï a presque soixante-dix ans. Il cueille des fleurs des champs et s´en fait un bouquet. Sur le chemin du retour, il découvre sur le bord d´un champ labouré où ne reste plus qu´une triste terre noire, un superbe chardon étoilé que les Russes appellent "tatare". En son milieu se dresse une pleine fleur couleur framboise. Il décide d´arracher le chardon et de placer la fleur au milieu de son bouquet. Mais la plante résiste, et Tolstoï n´arrive qu´à briser ses fibres et abîmer sa fleur. Puis, plus loin dans sa marche, il reconnaît "un chardon pareil à celui dont [il] avai[t] cueilli pour rien, puis jeté la fleur. La touffe du tatare se composait de trois jets. L´un avait été brisé. Ce qui en restait se dressait comme un bras coupé. Chacun des deux autres portait une fleur. Elles avaient été rouges, mais elles étaient noires maintenant. D´une tige cassée, la moitié pendait avec, au bout, la fleur salie. L´autre, bien que souillée par la terre noire, se dressait encore toute droite. On voyait bien que tout le pied du chardon avait été écrasé par une roue, puis s´était relevé si bien qu´il se tenait de travers, mais quand même debout. C´était comme si on lui avait arraché un membre, ouvert les entrailles, coupé un bras, crevé un oeil, mais il était toujours debout et ne se rendait pas à l´homme qui avait anéanti tous ses frères autour de lui.

   "Quelle énergie ! pensai-je, l´homme a tout vaincu, il a détruit des millions d´herbes, mais celle-ci ne se rend pas."

    Et je me rappelai une ancienne affaire du Caucase, à laquelle j´avais assisté en partie, que m´avaient, en partie, contée des témoins, et dont j´ai imaginé le reste."

 

Cette histoire, c´est celle de Hadji Mourat, à l´énergie indomptable, et que rien ni personne ne put jamais maîtriser. Chef caucasien, cet Hadji Mourat est un preux et s´oppose à tout asservissement et notamment la honteuse "guerre de pacification" et d´expansion que mènent les Russes dans le Caucase des années 1850 ; mais tout aussi à la mainmise que tentent les imans de l´époque en imposant la charia.

 

Ce court roman, précise Michel Aucouturier dans son excellente préface, n´aura pas moins de dix versions. C´est dire le soin avec lequel Tolstoï a sans cesse retouché cette oeuvre qui glorifie la vie et qu´il voulait exemplaire. Mais s´apercevant rapidement de l´attaque que cette oeuvre portait sur la politique aveugle et à courte vue du Tsar Nicolas Ier, il refusa énergiquement qu´elle soit publiée de son vivant. Il ne s´agissait en effet pas pour lui d´être seulement romancier et de raconter une histoire. Il se voulait aussi historien, dévoiler le dessous des cartes et donc de faire comprendre au lecteur les enjeux véritables de la politique russe d´alors ; - à savoir une sale guerre d´extermination. D´où l´importance des descriptions aussi précises que possible des faits et gestes individuels de tous les personnages, qu´ils soient importants ou secondaires, fortement impliqués ou non. Et le rappel des faits : l´éradication de la rébellion par le déboisement du milieu naturel, les sales opérations "coup de poing", la mise à sac de tout un village, mais aussi le goût du jeu des jeunes officiers qui voient dans ces opérations une occasion d´aventures et d´avancement, et pour les officiers supérieurs, cynisme et lâcheté, n´osant s´opposer aux décisions absurdes d´un Tsar imbu de lui-même. Au délà, on découvre ceci : que ce récit, écrit il y a plus d´un siècle, n´a rien perdu de son actualité, pour peu que l´on songe aux opérations de ces dernières années menées en Tchétchénie ou en Afghanistan.

 

À lire donc, tant pour son actualité que pour sa leçon de vie et d´énergie indompable que déploie ce chef caucasien nommé Hadji Mourat ; - mais aussi de Tolstoï lui-même, romancier de soixante-dix ans à la vigueur retrouvée devant la résistance d´un "chardon écrasé au milieu du labour." 

 

Liens :

 - TolstoÏ, le pas de l´ogre de Christiane Rancé   

   - La Sonate à Kreutzer       

     - La Mort d´Ivan Ilitch

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12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 12:17

LarsLerin

 

 

Quand le ciel se déchire et que le quotidien vacille, comment se ressaisir face au pésent qui fuit ? Comment classer et chasser ces rots et renvois du passé ? Comment combler ce goût du néant et ce désir de rien ? Difficile à dire. On ne sait ce qu´on cherche mais on espère trouver.

 

Liens :

 - Regards dérobés 

    - Retour sur soi

 

[illustration Lars Lerin Envol 1996]

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 15:00

AEBergmanLune

 

 

   

Comment s´approfondir

quand le rien se fait jour

Vivre avec ce sans

c´est peu dire et tout dire

 

Lien :

 - Autre jour sans

 

[illustration : Anna-Eva Bergman Lune]

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 12:16

AndreKertész1 

Se tient en ce moment à Paris au Musée du Jeu de Paume, jusqu´au 6 février 2011, une rétrospective du photographe hongrois André Kertész (1894-1985). Je ne pourrais la voir, mais le catalogue est magnifique : Kertész par Anne-Marie Wanaverbecq et Michel Frizot (Ed. Hazan, 2010, 360 pages, 49 €).

 

À cheval sur trois cultures et trois villes, Budapest (1914-1925), Paris (1925-1936) et New York (1936-1985), André Kertész a pour thèmes principaux le jour et la nuit, la solitude en ville, et plus généralement l´insolite au quotidien. Ses photos noir et blanc, suggestives et émotives, ne cherchent pas tant à vouloir faire entrer le réel dans la photo, mais bien plutôt à montrer que chaque photo est pour lui AndréKertèszun poème au quotidien. N´hésitez pas !  Précipitez-vous au Jeu de Paume. Vous ne pourrez être déçu(e)s. Et emportez sous le bras son catalogue. C´est un magnifique bijou noir et blanc, aussi précieux peut-être qu´un livre d´heures profane.  

 

Lien :

 - Où s´embrasser à Paris ? 

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 12:40

Pour prolonger le billet d´hier, ce très court poème de Blake, où se cotoyent Expérience et Innocence :

RosesEtEpines

            Mon joli rosier

 

Un jour on m´offrit une fleur

Comme jamais Mai en porta ;

Mais moi : "J´ai un joli rosier",

Et je passai la douce fleur.

 

allai à mon joli rosier

Pour jour et nuit en prendre soin ;

Mais ma rose bouda, jalouse,

Pour tout plaisir j´eus ses épines.

  William Blake Chants d´Expérience

 

Liens :

 - Deux plants de myrtilles  

    - La pivoine 

 

 [Illustration : roses et épines de jardin]

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8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 09:56

Bilde0178

Je crois

sans doute fini                   

mais sait-on jamais

 

Silence dans la maison 

 

Infini des heures

et soulagement

 

Seule présence

dans le neige

le chat roux du voisin

qui sommeille

 

Satisfaction d´être là

 

Liens :

 - Chat tutélaire 

  - Chant de nuit

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 12:52

Il y a ceux qui font et ceux qui commentent. Antoine Emaz écrit et s´analyse :

VariationsduCiel

   "On ne sait pas quoi a rompu l´enchaînement des causes ou bien des habitudes. Le poème tourne autour de la rupture de la marche "normale" du temps, de la vie quotidienne. En ce sens, mon travail est moins une "poésie du quotidien" qu´une poésie des moments d´étonnement ou de rupture d´un temps continu, employé, répétitif. organisé, etc.

    Quelque chose a cassé, a dérapé - on le nomme "trop" ou "manque" - un plus ou moins brusque d´air. Les mots du poème naissent de cette expérience qui peut tout aussi bien être minime (une variation du ciel) ou décisive (une séparation)."

 Cambouis (Seuil / Déplacements, 2009, 218 pages, 16 €)

 

Liens :

 - Jour ordinaire  

   - jour de fatigue

 

[illustration : Variation du ciel]

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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 08:32

Pour prolonger le billet d´hier sur Tchaïkovski et Pouchkine, je ne vois rien de mieux que ce magnifique poème d´Anna Akhmatova (1888-1966) - et que j´associe à Paul Klee :

 

                La musique

 

Il y a en elle un miracle qui brûle.

Elle s´éclaire toute, indiciblement.  PaulKleeRêve

C´est elle-même qui me parle.

Elle n´a pas peur de me consoler.

 

Ses yeux sont largement ouverts.

Ses ailes sur ses épaules

                         ont un éclat terrible.

Et c´est comme un premier orage,

Comme si les fleurs

                          se mettaient à parler.

                                                  (1958)

in L´horizon est en feu - Cinq poètes

russes du XXe siècle : Blok, Akhmatova,

Mandelstam, Tsvétaïéva, Brodsky.

Présentation et choix de Jean-Baptiste

Para (Poésie / Gallimard)

 

Lien :

 - Un extrait d´Eugène Onéguine de Tchaïkovski 

 

[illustration Paul Klee Rêve (1922)]

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