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5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 09:40


Il est des écrivains auxquels on revient régulièrement. Rainer Maria Rilke est pour moi l´un de ceux-là.

Rilke n´a trouvé refuge en aucun pays, souffrant longtemps de n´être de nulle part. La question qu´il pose d´entrée dans la première de ses Elégies de Duino ne cesse de résonner, qu´envrai poète Philippe Jaccottet a traduit : "Qui, si je criais, m´entendrait donc,/ d´entre les ordres des anges ?

En ces jours d´automne où les tons ocres et verts des arbres dénudés s´offrent à nous de leur présence comme une consolation - pour ne pas dire un remords - j´ai souhaité lire en son entier Le Chant de l´Amour et de la Mort du Cornette Christoph Rilke que Maurice Betz a traduit admirablement (Obsidiane/Les 3 P., 2008, 14 €, édition bilingue). Ecrit en une nuit à vingt quatre ans après avoir découvert des papiers de famille, ce poème est bien un chant comme plus tard le seront pleinement Les Elégies de Duino et Les Sonnets à Orphée.

On sait plus ou moins dans quelle longue chevauchée le très jeune cornette Christoph Rilke se lançait à travers les plaines de Hongrie pour n´en jamais revenir : Chevaucher, chevaucher, chevaucher, le jour, la nuit, le jour. Chevaucher, chevaucher, chevaucher. Et le coeur est si las, la nostalgie si grande. 

Ce poème est certes en partie un chant lyrique sur la mort martiale. Mais la mort n´y est cependant pas encore la face cachée de l´existence - l´ autre côté de la nature. Elle est celle qui fauche la vie d´un être qui ne demandait qu´à vivre. Dans Les cahiers de Malte Laurids Brigge Rainer Maria Rilke écrit que les vers ne sont pas, comme certains croient, des sentiments (on les a toujours assez tôt), ce sont des expériences. Je ne sais si à vingt quatre ans Rilke avait beaucoup d´expériences, mais il pouvait sans doute déjà repenser à des jours d´enfance dont le mystère ne s´est pas encore éclairci. Ainsi ce dialogue rapporté au tout début du poème, qui classe Rainer Maria Rilke parmi les experts en ravissement :

Quelqu´un parle de sa mère. Un Allemand sans doute. À voix haute et lente, il dispose ses mots. Ainsi qu´une jeune fille, qui noue un bouquet, essaie, pensive, les fleurs, une à une, sans savoir ce que donnera le tout - : ainsi ajuste-t-il ses mots. Pour la joie ? Pour la peine ? Tous prêtent l´oreille. Les cracheurs eux-mêmes se taisent. Car il n´y a là que seigneurs qui savent les bonnes façons. Et ceux-là mêmes, dans le nombre, qui n´entendent pas l´allemand, le comprennent tout à coup, sentent certains mots : "Le soir ... quand j´étais petit ... "

    

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