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26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 09:27

Théophile Gautier, comme poète, est surtout connu pour son recueil un peu froid Emaux et Camées. Jeune, il n´en a pas moins écrit de charmants petits poèmes. J´en donnerai pour preuve ces quatre vers extraits de "Le sentier" publié dans Premières poésies. Ils me vont tout à fait pour accompagner les deux boutons d´or qu´irradient le pied de mon pommier 
                                                                                      







La pâle violette, en son réduit obscur,
                           

Timide, essaie au jour son doux regard d´azur,

Et le gai bouton d´or, lumineuse parcelle.

Pique le gazon vert de sa jaune étincelle.

Autre lien de fleurs : - D´un coeur simple

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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 12:53

Ma relation à la Saint-Jean est assez compliquée. J´ai essayé tout hier d´écrire quelques lignes ; j´ai dû y renoncer. Trop de contraires s´entremêlaient.

Une rose de mon jardin du haut devait servir d´illustration. Seule restera la rose prise à l´ombre, alors que le soleil ne l´étincelait pas. Aujourd´hui, j´ajouterai pour elle, un poème de "Pavot et Mémoire" du recueil "Choix de poèmes" que Paul Celan a lui-même réunis et que Jean-Pierre Lefebvre a traduits, présentés et commentés (Poésie/Gallimard) :

                Je suis seul

Je suis seul, je mets la fleur de cendre

dans le verre rempli de noirceur mûrie. Bouche soeur,

tu prononces un mot qui survit devant les fenêtres,
et sans un bruit, le long de moi, grimpe ce que je rêvais.

Je suis dans la pleine efflorescence de l´heure défleurie
et mets une gemme de côté pour un oiseau tardif :
il porte le flocon de neige sur la plume rouge vie ;
le grain de glace dans le bec, il arrive par l´été.

Par respect pour la langue de Celan, où tout est souffle et respiration, le voici en allemand  :

                  Ich bin allein,

Ich bin allein, ich stell die Aschenblume

ins Glas voll reifer Schwärze. Schwestermund,
du sprichst ein Wort, das fortlebt vor den Fenstern,
und lautlos klettert, was ich träumt, an mir empor.


Ich steh im Flor der abgeblühten Stunde

und spar ein Harz für einen späten Vogel :

er trägt die Flocke Schnee auf lebensroter Feder ;

das Körnchen Eis in Schnabel, kommt er durch den Sommer.



[Illustration du bas : Brancusi : La Muse]
       



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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 13:40


Vladimír Holan
, poète tchèque né et décédé à Prague (1905-1980), a connu le nazisme, la première vague stalinienne, la guerre froide. Puis, après la courte éclaircie des années 60, le "goufre des goufres" que sera la "normalisation".

 

Son évolution n´est pas simple.

Le poème "Contre" a été écrit en 1966-1967, soit peu avant le "printemps de Prague".  Il n´exclut pas une certaine tendresse ni même une attention au quotidien. Mais il pressent le retour de ce qui a été son lot de toujours : la solitude 

                 CONTRE

Je le dirais bien, mais je ne peux pas ...                                        

Le temps danse mal                                                                                               

sur les semelles éculées de la tragédie,

et il témoigne contre l´amour ...

Les arbres ont eu beau fleurir, les fruits ne sont pas venus ...

La vie dans la vie, mais l´être dans le néant :
quoi qu´il arrive, rien n´arrive ...
Et qu´est-ce que prédire ? Appeler pour la troisième fois ?
   "
Un coq pour Asclépios" in Vladimír Holan Une nuit avec Hamlet et autres poèmes, Préface d´Aragon. Traduit du tchèque et présenté par Dominique Grandmont, Poésie/Gallimard (2000)

  

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12 juin 2009 5 12 /06 /juin /2009 16:03


Je serai très bref aujourd´hui. Ce sera une citation extraite du poème Testament que Goethe a écrit en 1829 alors qu´il avait 80 ans :

 

     Oui, seul compte le moment présent, 
     Voilà bien la seule chose qui dépend de nous.

C´est aussi à 80 ans que Philippe Jaccottet a publié Ce peu de bruits.

[illustration : liserons]

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 12:48


Ossip Mandelstam (1891-1938), Tristia et autres poèmes, choisis et traduits du russe par François Kérel (Poésie/Gallimard, (1982), 2005), est poignant de bout en bout car la plainte et l´inquiétude sont présentes à chaque instant, et ce, dès son premier recueil La Pierre alors qu´il a juste dépassé vingt ans : 

 

    Les feuilles au souffle confus,

    Le vent noir les fait frissonner
    Et l´hirondelle frémissante
    Trace un cercle dans le ciel sombre.

                                                (1911)

Tristia, en se référant à l´exil d´Ovide, l´est plus encore.

Jeté, comme une bouteille à la mer, tel Les TristesOvide alors que ce dernier gagnait, contraint, les bords de la Mer noire, la plainte d´ Ossip Mandelstam se fait angoisse. La Révolution russe n´y est pas ignorée, mais elle est surtout crainte et cruauté et non grandeur assurée. Saint Petersbourg y est certes plusieurs fois présente, mais il lui semble qu´elle vit sa fin :

    Dans le vide effrayant la flamme vagabonde.

    Une étoile peut-elle ainsi pâlir ?

    Etoile transparente, ô ! flamme vagabonde,

    Ton frère, Pétropol, va mourir.

                                            (1918)

Ossip Mandelstam, tragique ironie du sort, est comme déjà "en étrange pays dans son pays lui-même". Acméiste. il chante avec nostalgie la culture universelle, qu´elle vienne de Grèce, de Rome, de Villon ou de Racine ; ou encore, des voûtes ogivales des cathédrales gothiques 

     Du gouffre de cristal vertigineux à-pic !
    Les monts terre de Sienne intercèdent pour nous,
    Des rocs déments les cathédrales acérées
    S´accrochent dans les airs où sont laine et silence
.
                                                                        (1919)

 

Puis, plus poignant encore, le désespoir, quand Ossip Mandestam se sait isolé ; mais il ne cesse pour autant d´être novateur tout en se voulant classique. Ce sera Poèmes, 1921-1928 :

    Impossible de respirer, et le firmament grouille de vers,

    Et pas une étoile ne parle, mais Dieu m´entende,

    Il y a la musique au-dessus de nous,

    La gare frémit du chant des Aonides,

    Et l´air des violons déchiré de sifflets

    De locomotives, est à nouveau soudé.

                                               (1921)      

    
Suivront alors quelques poèmes "civiques", pour la plupart non publiés de son vivant, dont le fameux "distique sur Staline", lu à quelques uns en 1934, mais qui, remontant jusqu´au "Montagnard du Kremlin", fut la cause de sa première arrestation. On peut en lire une version en se reportant au billet que Pierre Assouline a récemment écrit pour rendre compte du dernier ouvrage de Robert Littell L´Hirondelle avant l´orage et qu´il a appelé  L´épigramme que Staline fit payer à Mandelstam.

Viendront pour finir les derniers vers avec Cahiers de Voronèje, 1935-1937. Traqué, proscrit, Ossip Mandelstam est plus que jamais un homme seul. Sa détresse, matérielle et morale, est totale. Son inspiration est cependant loin d´être amoindrie ; elle est même chant : 

    Je ne suis ni cassé, ni volé

    Mais seulement démesuré - déboussolé,

    Mes cordes sont tendues comme la Chanson d´Igor,

    Et dans ma voix, après l´asphyxie,

    Résonne la terre, ma dernière arme,

    La sèche moiteur des hectares de terre noire.

                                       (Mai-juin, 1935)

 

Ce recueil, admirable en tous points, est précédé d´une remarquble préface signée François Kérel. Le tout est à lire et relire, en ce mois où le printemps revit.

Liens complémentaires possibles :
 - Ce peu de bruits de Philippe Jaccottet 
    - Yves Bonnefoy lecteur de Paul Celan

     

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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 12:50

Suite au billet Poème-lettre de Paul Celan à Ilana Shmueli, je citerai aujourd´hui quelques vers du poème 6 des Sonnets portugais qu´Elizabeth Browning a envoyé a son Aimé Robert Browning, pour l´évidente raison que Paul Celan et Ilana Shmueli, - ensemble, séparés, retrouvés, et à nouveau séparés -, connaissaient bien les poèmes d´amour d´Elisabeth Browning :

....... Si vaste soit
La place prise entre nous par le destin,
Ton coeur vit de concert avec le mien.
Mes actes et mes rêves t´embrassent, comme au
Vin se fond le raisin.

...... The widest land
Doom takes to part us, leaves thy heart in mine
With pulses that beat double. What I do
And what I dream include the, as the wine
Must taste of its own grapes.
 
Elizabeth Browning Sonnets portugais et autres poèmes. Traduction et présentation de Lauraine Jungelson, Edition bilingue. Poésie/Gallimard, 2003 (1994), 179 pages.




Autres liens possibles :
  - un poème de Théocrite
  - L´Art d´aimer d´Ovide 


[llustration : Galatée et Polyphème, Cordoue, Espagne]
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20 avril 2009 1 20 /04 /avril /2009 13:21

J´ai lu et relu ces jours derniers plusieurs recueils d´Yves Bonnefoy.  Ses poèmes et ses récits en rêve sont d´une beauté profonde et toujours rayonnants d´intelligence. J´ai d´abord privilégié Du mouvement et de l´immobilité de Douve dans lequel Douve est tour à tour femme, lande, village, rivière et présence. Puis j´ai lu et relu, accompagné de quelques aides pédagogiques publiées sur papier et sur la toile, plusieurs passages du recueil Les planches courbes. J´ai pu ainsi me pénétrer de la force de visualisation que permettent certains mots quand ils sont dits à voix haute. La voix et le souffle sont en effet essentiels en poésie. Bonnefoy ne se lasse pas de le répéter, défendant même avec force le par coeur au lycée. De la sorte, c´est rappeler que la poésie se doit d´être dite, leurre ou pas dû aux mots.
Et puis, j´ai découvert de lui un nouveau recueil de prose splendique que je savais posséder mais que je n´avais encore jamais ouvert. Il a pour titre La vie errante (Mercure de France, 1993, 171 pages). Le papier et la typographie sont magnifiques. En voici un extrait, pour mon plaisr et le vôtre :


    DE GRANDS BLOCS ROUGES

Il se demandait comment il pourrait dire ces grands blocs rouges, cette eau grise, argentée, qui glissait entre eux en silence, ce lichen sombre à diverses hauteurs du chaos des pierres. Il se demandait quels mots pourraient entrer comme son regard le faisait en cet instant même dans les anfractuosités du roc, ou prendre part à l´emmêlement des buissons sous les branches basses, devant ce bord de falaise qui dévalait sous ses pas parmi encore des ronces et des affleurements de safre taché de rouille. Pourquoi n´y a-t-il pas un vocable pour désigner par rien que quelques syllabes ces feuilles mortes et ces poussières qui tournent dans un remous de la brise ? Un autre pour dénommer à lui seul de façon spécifique autant que précise l´instant où un moucheron se détache de la masse de tous les autres, au-dessus des prunes pourries dans l´herbe, puis y revient, boucle vécue sans conscience, signe privé de sens autant que fait privé d´être, mais un absolu tout de même, à lui seul aussi vaste que tout l´abîme du ciel ? Et ces nuages, dans leur position de juste à présent, couleurs et formes ? Et ces coulées de sable dans l´herbe auprès du ruisseau ? Et ce petit mouvement de la tête brusque du merle qui s´est posé sans raison, qui va s´envoler sans raison ? Comment se fait-il qu´auprès de si peu des apects du monde le langage ait consenti à venir, non pour peiner à la connaissance mais pour trouver repos dans l´évidence rêveuse, posant sa tête aux yeux clos contre l´épaule des choses ? Quelle perte, nommer ! Quel leurre, parler ! Et quelle tâche lui est laissée, à lui qui s´interroge ainsi devant la terre qu´il aime et qu´il voudrait dire, quelle tâche sans fin pour simplement ne faire qu´un avec elle ! Quelle tâche que l´on conçoit dès l´enfance, et que l´on vit de rêver possible, et que l´on meurt de ne pouvoir accomplir ?

[Illustration : Claude Lorrain (v 1600-1682) Paysage et Marchands ]

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 13:12

Dans la poésie d´Yves Bonnefoy, il est admis que le je qui s´exprime est personnel, hautement autobiographique. Ce je va pourtant bien au-delà : il est loin d´être une seule exploration interne du moi, il est un rapport au monde aussi essentiel que celui d´un Paul Celan qu´il a toujours défendu et avant lui, celui de Rainer Maria Rilke. Comme pour eux, la poésie, a pour objet d´"affirmer le simple" et de saisir la présence du monde sensible et éphémère ; - ce qu´il exprime déjà admirablement dans son premier vrai recueil Du mouvement et de l´immobilité de Douve, paru en 1953  :

Que saisir sinon qui s´échappe,     
Que voir sinon ce qui s´obscurcit,
Que désirer sinon qui meurt,
Sinon qui parle et se déchire ?

Parole proche de moi
Que chercher sinon ton silence,
Quelle lueur sinon profonde
Ta conscience ensevelie,

Parole jetée matérielle
Sur l´origine et la nuit ?




          *******





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12 avril 2009 7 12 /04 /avril /2009 12:41

Elles l´ont appelé Georg. Elles, ce sont mes voisines : Sofie - neuf ou dix ans - pour qui Georg a été offert il y a bien six ou sept ans ; et la mère, prénommée Solfrid. De père, je n´en ai jamais vu. 

Georg est leur chatte ; - ce que n´indique pas le nom. Depuis bientôt Noël, Georg me tient compagnie presque jour et nuit, surtout depuis que je lui donne eau, croquettes et whiskas. Je ne me lasse pas de voir Georg se vautrer sur mes tapis, s´y faire les griffes et se lécher les pattes ou le ventre. Il se laisse aussi caresser, mais seulement selon son envie. Sans être farouche, il garde ses distances. Son dessein était, jusqu´à présent, simple : dormir, se sustenter, et ... regarder par mes fenêtres, quand il se juchait sur l´un de mes meubles. Mais depuis quelque temps, il y a en Georg un début de mystère : ses yeux ont comme une imploration. Je n´ai pu, jusqu´à présent, la comprendre. C´est dire que son mystère me reste entier ; il est presque comparable, me semble-t-il, à celui d´un mystique. Son mystère m´émeut cependant bien davantage ; je crois savoir pourquoi : Georg restera à jamais silencieux.

    LE CHAT


Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;

     Retiens les griffes de ta patte,

Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,   

     Mêlés de métal et d´agate.


Lorsque mes doigts caressent à loisir
                              

     Ta tête et ton dos élastique,

Et que ma main s´enivre de plaisir

     De palper ton corps électrique,


Je vois ma femme en esprit. Son regard,

     Comme le tien, aimable bête,

Profond et froid, coupe et fend comme un dard,


     Et, des pieds jusques à la tête,

Un air subtil, un dangereux parfum

     Nagent autour de son corps brun.
         Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

                                  ***
Liens possibles : - Histoires de chats 
                                - Le Bois de Boulogne 

                                  ***

[Illustration 1 : B. Schroeder Le chat ; illustration 2 : Jeanne Duval, dessin de Baudelaire]

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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 09:07

De Paul Celan, ce poème en forme de lettre à Ilana Shmueli

Depuis longtemps

ce qui est étranger nous tient dans ses filets,

l´éphémérité germe,

désemparée, à travers nous,


prends mon pouls, lui aussi,

compte-le, en toi,


alors nous nous imposerons,
   

contre toi, contre moi,


quelque chose nous habille

de peau de jour, de peau de nuit,

pour le jeu avec le suprême

sérieux. [22/01/1970]
  in Paul Celan - Ilana Shmueli Correspondance. Traduit de l´allemand par Bertrand Badiou (Seuil, La librairie du XXIe siècle, 2006,256 pages, 22 €)

C´est tout pour aujourd´hui.
                                   
                                                        ***

Autres liens possibles : - Un poète difficile "après Auschwitz"

                                              - Yves Bonnefoy, lecteur de Paul Celan

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