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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 11:11


À la pensée d´hier, je joindrai celle que nous a laissée le poète norvégien Olav H. Hauge (1908-1994) dans le poème Suis la pensée  Fylg tanken, qui savait chanter avec simplicité  le mystère caché des choses :

Suis la pensée -- mais pas 

jusqu´au bord de l´abîme --

et ne dépouille pas 

le merisier en fleurs.  


Laisse les pensées venir                 

et s´estomper dans le lointain,        

et, sur l´arbre des rêves,                   

mûrir les grappes                           

quel que soit leur nom.

 
 Traduction : François Monnet
 
in Noir profond, Bleu autour,
 2008, 107 pages, 15 €

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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 10:17
S´IL PLEUVAIT DES LARMES

S´il pleuvait des larmes               
Lorsque meurt un amour
S´il pleuvait des larmes
Lorsque les coeurs sont lourds
Sur la Terre entière
Pendant quarante jours
Des larmes entières
Engloutiraient les tours

S´il pleuvait des larmes
Lorsque meurt un enfant
S´il pleuvait des larmes
Pour rire des méchants
Sur la Terre entière
En flots gris et glacés
Des larmes amères
Rouleraient le passé

S´il pleuvait des larmes
Quand on tue les coeurs purs     
S´il pleuvait des larmes
Quand on crève tous les murs
Sur la Terre entière
Il y aurait le déluge
Des larmes amères
Des coupables et des juges

S´il pleuvait des larmes
Chaque fois que la Mort
Brandissant les armes
Fait sauter les décors
Sur la Terre entière
Il n´y aurait plus rien
Que des larmes amères
Des deuils et du destin

Autres liens :
 - Pluie
   - Il pleut
     -Jours sans
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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 12:31

Tout chez le Norvégien Sigbjørn Obstfelder (1866-1900) est musique et rythme. Il a d´ailleurs longtemps envisagé d´être musicien avant de se consacrer à la seule littérature. Il a très peu publié : un seul recueil de poèmes, deux courtes nouvelles, une pièce de théâtre, et un roman, (sorti quelques mois seulement après sa mort). Cela n´empêche pas de faire de lui un
poète lyrique de premier plan. Jan Erik Vold le considère même, à côté de Wergeland, comme  l ´un des plus originaux poètes que la Norvège ait eu au XIXe siècle

Errant dans un monde qu´il a du mal à comprendre, il est aussi l´introducteur en Norvège de "petits poèmes en prose", - ce qui le rapproche, en plus de Verlaine qui revendiquait de "la musique avant toute chose", de Baudelaire,  poète de la ville et de la difficulté d´être : "Je vois le ciel blanc ..., Je vois les nuages grisâtres ..., Je vois le ciel sanglant ..., Je vois les hautes maisons ..., Je vois, je vois ..., Sûrement je me suis trompé de planète ! Tout,ici, est si étrange... Ce poème (en extraits)évoque aussi bien L´étranger de Baudelaire que Le CriEdvard Munch. [Illustration ci-dessus : Obstfelder imaginé par Munch].

Pour donner un autre exemple du rythme qui habite tous ses poèmes, rien de mieux, me semble-t-il, que de mettre en regard la langue de l´un d´eux avec sa traduction :

REGN                                      Pluie                                              
(Impromptu)                            (Impromptu)

En er en, og to og to --           Un est un, et deux est deux --
vi hopper i vand,                     Nous sautons dans l´eau,
vi triller i sand.                         Nous roulons dans le sable,
Zik zak,                                     Zigzag,
vi drypper på tak.                  Nous dégouttons sur les toits,
tik tak,                                       Tic tac,
det regner i dag.                      Il pleut aujourd´hui.
Regn, regn, regn, regn,          Pluie, pluie, pluie, pluie,
øsende regn,                           Pluie à verse,
pøsende regn,                         Pluie à seaux,
regn, regn, regn, regn,           Pluie, pluie, pluie, pluie,
deilig og vådt                          Exquise et humide,
deilig og råt !                           Exquise et froide !
En er en, og to og to --          Un est un, et deux est deux --
vi hopper i vand,                     Nous sautons dans l´eau,
vi triller i sand.                         Nous roulons dans le sable.
Zik, zak,                                    Zigzag,
vi drypper på tak,                    Nous dégouttons sur les toits,
tik, tak,                                      Tic tac,
det regner i dag.                      Il pleut aujourd´hui.
                                                    (Traduction : Régis Boyer)
Autre lien : 
- Debussy Jardin sous la pluie (Jeremy Menuhin)
http://www.youtube.com/watch?v=DPdVEfPgpjk&feature=related


  

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 15:07


Il
pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir
c´est vous aussi qu´il pleut, merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes 
et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auricullaires
écoute s´il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique
écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas

               
   in Apollinaire Calligrammes

Autres liens :
 - Abyme mise à nu 
 - Chagall et Apollinaire


 

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 12:15

Les crépuscules qui de septembre à octobre ont éclairé mes soirs et mes matins ne sont plus. Les nuits sombres ou étoilées de novembre vont suivre. Voici donc, d´Edvard Munch, Nuit étoilée (1922-24). En cette veille du 1er novembre, je l´associerai à Densité 21,5Edgar Varèse (1936) et à Dans la nuitHenri Michaux (1938) :

    Dans la nuit

    Dans la nuit                        

    Je me suis uni à la nuit

    À la nuit sans limites

    À la nuit

   
    Mienne, belle, mienne

   
    Nuit

    Nuit de naissance

    Qui m´emplit de mon cri

    De mes épis.

    Toi qui m´envahis

    Qui fais houle houle

    Qui fais houle tout autour

    Et fume, es fort dense

    Et mugis

    Es la nuit.

    Nuit qui gît, nuit implacable.
    Et sa fanfare, et sa plage

    Sa plage en haut, sa plage partout,

    Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie

          sous lui

    Sous lui, sous plus ténu qu´un fil

    Sous la nuit

    La Nuit

                 ****
 Liens possibles :
 - Munch et Mallarmé  
  - Forêt d´ormes en automne
     - D´Edgar Varèse Densité 21,5 pour flûte seule (Laura Pou)

        http://www.youtube.com/watch?v=cCFk0f8szes&feature=related

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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 10:35

Qui n´a, comme Balzac, "accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot" ? Le givre désormais couvre mes arbres et leur mousse. Je n´ai besoin de rien pour voyager très loin. J´y joindrai cependant deux poèmes chinois de Wang Wei (701-761), pour qui paysages sont miroirs de coeur :

   Jour après jour, l´homme vieillit,

   Année après année, le printemps s´en va.
   Réjouissons-nous devant la coupe de vin,
   Ne nous affligeons pas des fleurs tombantes.

Au poème précédent j´ajouterai le suivant, illustré de Temple en montagne du peintre Li-Chen (Xe siècle) :

 

   Les collines sont si loin; personne n´est en vue.
   Mais d´où vient l´écho des voix que j´entends ?
   Les rayons obliques du couchant percent la forêt,
   Et dans leurs reflets verts la mousse apparaît.
                         
[Traducteurs non cités] 
                                   
                                           ***
Autre lien :- La Gloriette aux bambous
 - Lisières du givre

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 13:09

Il y a juste une semaine, je me suis réveillé seul face à un ciel qui ne pouvait laisser indifférent. Pour prolonger plus encore l´impression qu´il m´a laissé, j´associerai aujourd´hui au 1er mouvement du Concerto pour basson et orchestreAndré Jolivet  ces quelques vers bien connus du Victor Hugo des Feuilles d´automne :

 

                                .... Cent nuages mouvants,
Amoncelés là-haut sous le souffle des vents,
                      Groupent leurs formes inconnues ;
Sous leurs flots par moments flambloie un pâle éclair,
Comme si tout à coup quelque géant de l´air
                      Tirait son glaive dans les nues.
   Victor Hugo "Soleils couchants in Feuilles d´automne


Autre lien : - Automne sans égal

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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 17:27

Ce dernier jour de septembre est aussi magnifique que tous les trente précédents. Je tiens à le quitter en beauté. J´associerai donc au Cézanne de la maturité sereine qui s´exprime dans Pommes, poires, pêches et raisins (Musée de l´Hermitage, St Petersbourg, 1879-1880), le sonnet 13 de la première partie des Sonnets à Orphée de Rainer Maria Rilke, célèbrant entre autres l´enfance :

Pomme replète, poire et banane,
groseille verte ... Voilà qui tout exprime
vie et mort dans la bouche ... Je me doute ...
Mais lisez-le sur le visage d´un enfant,

quand il y goûte. Oh ! c´est de loin que cela monte.
Lentement vous vient-il en bouche, l´ineffable ?
Où n´étaient que des mots, ruissellent des richesses
hors de la chair du fruit, surprises, délivrées.

Ce que vous nommez pomme, allez jusqu´à le dire :
cette douceur, qui d´abord se condense
et finement se pose en vous, sur vos papilles,

pour y devenir claire, en éveil, transparente,
nous parlant du soleil, de la terre, d´ici.
L´éprouver, le toucher, en jouir, - ô prodige !


Rainer Maria Rilke Les Elégies de Duino suivi de
 Les Sonnets à Orphée. Traduit de l´allemand par
 Lorand Gaspar et Armel Guerne, éd. bilingue
 (Points/Seuil)

Autres liens :
 - Cézanne La femme au fauteuil rouge
  - Rilke : Quelques citations de Lettres à un jeune poète

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13 juillet 2009 1 13 /07 /juillet /2009 13:22


Pour qui veut approfondir sa connaissance de l´oeuvre poétique de Paul Celan, l´essai que Jean-Michel Maulpoix vient de lui consacrer est essentiel. Il s´agit de Choix de poèmes de Paul Celan, (Foliothèque, 2009, 226 pages, 9,60 €). Il s´appuie sur le choix que Paul Celan lui-même avait effectué en 1967, et que la collection Poésie / Gallimard avait repris avec, comme traducteur et présentateur, Jean-Pierre Lefebvre.

L´intérêt de cet essai est majeur car il explique en termes simples mais non réducteur la poésie difficile et souvent qualifiée d´hermétique de Paul Celan. Il reprend tout de A à Z et notamment les données largement autobiographiques qu´on ne peut ignorer : la naissance en 1920 à Czernowitz en Bucovine, alors rattachée à la Roumanie ; sa judéité ; la langue allemande venue de la mère ; la mère assassinée par les nazis ; la date du 20 janvier, qui renvoie à la conférence de Wannsee  et "la solution finale de la question juive" en 1942, mais aussi au début de la première phrase de la nouvelle de Georg Büchner, Lenz ; le travail forcé au cours duquel il dut, pendant des mois, creuser, creuser et creuser ; les rendez-vous manqués avec Adorno et Heidegger ; l´infâme calomnie de plagiat orchestrée par la femme d´Ivan Goll ; l´importance de certaines lettres-poèmes ; la maladie et le délire. Mais plus encore que le rappel de ces données autobiographiques, relativement bien connues aujourd´hui, ce qui rend cet essai si précieux, c´est que Jean-Michel Maulpoix analyse avec pertinence en quoi certains mots de la poésie de Paul Celan, relativement peu nombreux, sont pourtant essentiels car ils ouvrent à des motifs récurrents qui, de poème en poème, tissent des liens de plus en plus complexes. Ils sont ce qu´il appelle des "points nodaux". Ainsi, par exemple, "cheveux" qui, devenus "bleus" et "de cendre", évoquent la couleur prise par les corps gazés ; ainsi "l´oeil bleu", qui n´est plus l´archétype lyrique de la naïveté et de la pureté, mais l´oeil froid du meurtrier. Ainsi également de la "rose", du "coeur", de l´"amande" et plus encore de la "mandorle", amande mystique dans laquelle apparaît le Christ de majesté du Jugement dernier, et qui, pour Celan, contient le néant.

À titre d´exemple de complexification constante, de creusement et de réfection du langage qui excluent tout recours au lyrisme éplorant, je donnerai un court extrait. Il est  tiré du poème "Strette". Il clôt le recueil paru en 1959 "Grille de parole" qui recourt à l´obscurité et qui, pour Paul Celan, est source de vérité. Ce terme désigne la partie terminale d´une fugue dans laquelle les entrées de sujet et réponse sont de plus en plus rapprochées. Le poème entier est relié au film d´Alain Resnais Nuit et Brouillard qui date de 1956. Entre l´ombre des bombardiers d´Hiroshima et la fumée des camps d´extermination, se profile la "table de mesure",  planchette topométrique des géomètres et qui, pour Jean-Pierre Lefebvre, connote les "technologies de l´inhumain". Ces explicitations, loin d´aplatir le poème, lui donnent une densité plus grande. Elles permettent de mieux comprendre que la poésie de Paul Celan est toute autre chose qu´une plainte ou un chant de consolation : elle est un devoir de mémoire ; et si de surcroît, elle apporte quelque apaisement, c´est de rendre justice en excluant tout lyrisme larmoyant.

                                                 Déferlé, déferlé.

                                                                             Et --

Nuits, dé-mêlées. Cercles,                                          

verts ou bleus, carrés

rouges : le

monde dans la
partie jouée avec les heures nouvelles
mise ce qu´il  a de plus intime. -- Cercles,
rouges ou noirs, carrés

clairs, pas

d´ombre de vol,

pas

de table de mesure, pas

l´âme de fumée qui monte et se joint au jeu.


 

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29 juin 2009 1 29 /06 /juin /2009 15:30

Il est des oeuvres qu´il m´est difficile d´aborder. Celle de Marina Tsvetaeva en fait partie. Entre sa poésie, son carnet et ses lettres enflammées à de très nombreux correspondants, poètes ou non, je ne sais ce qu´il convient de privilégier. Il est sûr que pour elle tout était mots, même si ceux en poésie étaient pour elle premiers. 

Pour l´heure je retiendrai un extrait d´une lettre de 1926 envoyée à Rainer Maria Rilke alors qu´elle vivait en France et lui en Suisse :  

"Quand je mets les bras autour du cou d´un ami, c´est naturel ; quand je me raconte, ça ne l´est déjà plus (même pour moi !). Et quand j´en fais un poème, cela redevient naturel. Donc, l´acte et le poème me donnent raison. L´entre-deux me condamne. C´est l´entre-deux qui est mensonge, pas moi. Quand je rapporte la vérité (les bras autour du cou), c´est un mensonge. Quand je la tais, c´est la vérité. Un droit intime au secret. Cela ne regarde personne, même pas le cou autour duquel j´ai noué mon bras.
     
[Traduction : Lily Denis]
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