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18 septembre 2006 1 18 /09 /septembre /2006 05:21

Le premier souvenir que j´ai du Bois de Boulogne est extrêmement confus, et il fait partie de l´un de mes tout premier souvenir de Paris.

J´ai tout au plus trois ou quatre ans et je suis accompagné de ma soeur et d´un homme jeune que j´ai considéré à l´époque comme un grand frère. Il s´appelait Charles G. Je ne me souviens plus du tout comment je suis allé au bois. Etait-ce en métro ? Etait-ce en voiture ? Il me semble que c´était à pied, mais j´en doute, car le chemin jusqu´au bois est long. Toujours est-il que le suis au bois. Je cours, on me poursuit, je me cache derrière un arbre, je joue à cache-cache. Des petits chiens ou des chiens un peu plus gros courent aussi autour de moi et je n´ai pas peur. Il fait beau et doux. Ma soeur et Charles se sourient. Ils me sourient aussi et je suis heureux. Le jeu de cache-cache se poursuit, je cours un peu plus loin et patatras ! je glisse et me retrouve par terre, la jambe et ma petite culotte couvertes de feuilles et de merde ! On me lave comme on peut, on me console, mais la journée est gâchée; pas tout à fait cependant , car pendant le chemin de retour, on  trouve un petit chat. Charles et ma soeur essayaient de savoir à qui appartient ce petit chat, mais personne ne le sait. Ils le prennenet avec eux, et nous avons gardé, ma mère, ma soeur et moi ce petit chat plusieurs années.Il est rapidement devenu un gros chat gris. Il s´appelait Bouby. Un beau jour il n´y eut plus de chat à la maison. Je n´ai jamais su ce qu´on a fait de lui.

Plus grand j´allais souvent au bois de Boulogne. Je pouvais y aller à pied, en métro ou à vélo, seul ou accompagné. Quand j´étais encore petit, j´y allais surtout le dimanche après-midi. Je jouais à la balle ou au ballon, courais, faisais du vélo. Je pouvais ainsi jouer avec des petits garcons ou des petites filles de mon âge. Quand j´avais soif, je buvais de l´eau à des fontaines qui se trouvaient là. Il y avait sur le dessus de la fontaine un gros poussoir rond qu´il fallait appuyer pour faire sortir l´eau d´un petit robinet gris blanc. J´appuyais d´une main, me courbais et placais la bouche contre le robinet qui avait un drôle de goût, mais l´eau était fraîche et désaltérante. Ma mère me raconta un jour qu´un petit garcon était mort en buvant de cette eau. Il allait aussi souvent au bois accompagné de sa mère qui emportait toujours avec elle un petite bouteille d´eau minérale. Il alla un jour seul au bois et fit comme ses camarades quand il eut soif : il but de l´eau de la fontaine qu´il ne supporta pas. Heureusement, disait ma mère, j´étais plus "aguerri".   

Il y a à l´intérieur du bois un lac sur lequel on peut faire du canotage. C´est un lieu traditionnel de promenades pour les familles le dimanche. Il y avait toujours beaucoup de monde désireux de louer une barque. Il fallait faire la queue longtemps. On payait à l´heure et on pouvait prendre deux ou trois de suite. Je n´ai jamais pris de barque seul. Petit j´y allais avec ma soeur et ma mère, mais elles s´épuisaient vite à ramer. Quand j´y allais avec des camarades, j´ y allais plutôt le dimanche matin. Il y avait moins de monde et donc moins de queue. 

Le lycée dans lequel j´allais, qui avait des petites classes et des classes primaires du "premier cycle" (si je me souviens bien, on parlait ainsi des classes de 6e et 5e), était tout près du Bois de Boulogne.  On pouvait y aller certains après-midis quand il faisait beau. Ces après-midis s´appelaient  "journées de plein air". On sortait par la petite porte du lycée, en rangs deux par deux et on remontait toute l´Avenue Georges Mandel, traversait la Place de la Muette, le Boulevard Lannes, et on arrivait enfin au bois. Ces sorties étaient toujours populaires. On jouait généralement au football. Le professeur emportait avec lui plusieurs ballons mis dans un filet. Quand on avait soif, les garcons buvaient généralement à la fontaine, mais les filles s´abstenaient. Il y avait un seul problème et c´était le problème de douches.On transpirait en retournant au lycée et le maiilot de corps collait à la peau. C´était désagréable. Mais les garcons que nous étions s´en souciaient peu. On revenait fourbis mais contents.

Un de mes camarades habitait Boulevard Lannes.  Il demanda un jour s´il pouvait rentrer directement chez lui après l´après-midi de plein air. Le professeur hésita et finit par dire oui. Mon camarade demanda aussi si je pouvais venir avec lui. Le professeur n´osa pas dire non. C´est ainsi que je connu la mère et le père de ce camarade qui s´appelait Serge V. Son père était d´origine russe et parlait cinq ou six langues. Il avait un fort accent en francais. Il roulait beaucoup les "r" et disait souvent que c´était le francais qu´il parlait le moins bien et qui avait été la langue la plus difficile à apprendre, Il parlait évidemment le russe, mais aussi l´anglais, l´allemand, l´ítalien (si je me souviens bien) et le chinois. Il avait en effet vécu longtemps en Chine et continuait à avoir des relations d´import-export avec la Chine, même si le pays avait réduit ses relations commerciales depuis qu´il était devenu communiste. C´était un homme petit, presque chauve, le crâne un peu rouge et qui aimait faire lui-même et manger du bortsch. C´était fort et délicieux. Il aimait parler et racontait bien. C´était visible que mon camarade le respectait beaucoup.

Sa mère était toute autre. Petite, très maquillée, elle parlait avec autorité d´une voix cassante et admettait rarement la réplique. Elle était toujours très bien habillée et il était évident que les vêtement qu´elle portait étaient des vêtements fort chers. Elle avait sûrement été très belle étant jeune. La peau de son visage était toute fripée quand je l´ai connue.Je la rencontrais souvent car elle s´était associée avec le professeur de gymnastique qui nous emmenait au Bois de Boulogne pour jouer au football. Ce professeur était un Martiniquais café au lait avec un nom de famille à sonorité alsacienne, Monsieur Robert Z. C´était un bel homme. Lui et la mère de mon camarade formaient un couple étrange. Ils avaient fondé une sorte de colonie de vacances et emmenaient avec eux aux vacances de Noël, de février et de Pâques une cinquantaine d´enfants garcons et filles aux sports h´hiver. L´été ils organisaient des stages de tennis en Bretagne. J´y suis allé plusieurs fois et c´est ainsi que Serge V. est devenu mon ami. C´était un élève extrêmement brillant, excellent en tout. Il a été présenté à plusieurs épreuves au Concours général. Il recut plusieurs prix et un accessit, dont le 1er prix de thème latin si mes souvenirs sont bons. Je pouvais voir le Bois de Boulogne du cinquième étage de son appartement et je l´enviais beaucoup. Il fit plus tard Polytechnique, devint marxiste-léniniste enragé et je le perdis de vue.

A la même époque, j´eus un autre camarade qui habitait à deux pas du Bois de Boulogne, Rue de la Tour pour être précis. J´ai oublié son prénom, mais son nom prétait à rire. On faisait régulièrement un jeu de mot très facile avec son nom en l´appelant  "tête de turc". Son appartement était tout en longueur et sa chambre était, comme la mienne, située au fond de l´appartement. C´est avec lui que j´appris à développer des photos en noir et blanc. Il utilisait une marque que je ne connaissais pas, mais que j´appris à connaître, Ildford. Il avait un appareil de photos beaucoup plus avancé que le mien. On prenait des photos d´arbres, on allait au bord du lac et on prenait des photos de canards, de cygnes ou  de personnes en train de ramer sur le lac. On développait ensuite les photos dans un petit réduit aménagé pour cela. Son père avait un poste élevé à Air France et était un passionné de moteurs. Je suis allé plusieurs fois avec lui voir des courses automobiles, notamment à Montléry. La femme qui vivait avec son père n´était pas sa mère, mais sa belle mère. C´était une très grande femme très blonde et beaucoup plus jeune que son père. Elle demandait à sa bonne, qui était espagnole, d´aller acheter por elle des journaux faciles à lire comme "Ici Paris". Mon camarade, lui, avait commencé à lire Voyage au bout de la nuit, de Céline, et me dit que c´était quelque chose de prodigieux qui n´avait rien a voir avec la littérature qu´on pouvait lire au lycée. Je n´ai pas essayé de le lire. Enfant, je n´étais pas lecteur.Comme Serg V. , je l´ai perdu de vue, un an ou deux avant la 1ère partie du Baccalauréat. Il avait choisi une autre section que la mienne.

Dans ma petite enfance, le Bois de Boulogne a toujours été pour moi un havre de paix.

 

 

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