Giacometti, La rue d´un seul, suivi de Visite fantôme de l´atelier, de Tahar Ben Jelloun, Gallimard, 2006, illustré de reproductions de bronzes ou de diverses photographies de crayons sur papier ou autres, s´ouvre sur un texte magnifique écrit à Tanger en août 1990.
Tahar Ben Jelloun, dans ce texte, est comme un poète, un couleur de bronze avec les mots qu´il emploie. Il remplit l´espace de la page comme Giacometti fait occuper ses figurines dans un espace de liberté. La première impression est d´abord une silhouette, une apparence ; puis une démarche, une attitude ; et puis, subitement, comme un éclair qui troue l´espace de sa fulgurance, une détresse ; celle d´un homme, d´un chien, d´un émigré apercu dans le métro ; ou la stature de Samuel Beckett ; la présence de Jean Genet ; la grande tête de Diego ; dans la grisaille de son atelier du quartier populaire du XIVe arrondissement de Paris qu´il a occupé toute sa vie.
Magnifique.
Ce premier texte est suivi d´un second écrit à Paris en juin 2006 après la disparition de Giacometti en 1966. Il n´a pas la puissance du premier. Il habille un peu trop l´apparence.
Restent le papier, le format, les reproductions, la marche de la décrépitude du temps ou le passage du souffle de la violence dans l´Histoire.
Très beau.
Le chien : "Je suis ce chien // tête basse / qui tend / vers / le sol // avancant / dans le / mouvement / des pattes / qui foulent / le sol // sans but / flânant // chien / qui erre // chien / cabot / bâtard / ou humain / quelle différence // je suis / ce chien / nous sommes / des chiens // seules / les courbes / changent / l´échine / plie toujours / s´arque / s´affaisse // vers / le soi / vers / le peuple / des morts."