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3 août 2008 7 03 /08 /août /2008 11:53

L´Art d´aimer
Ovide est un bonheur. La préface d´Hubert Juin est éblouissante d´intelligence et de verve. Elle retrace en un style tout à la fois galant et ludique la réception du texte au cours des siècles : la chape de plomb qui s´abat sur lui quand l´Eglise cherche à contrôler les moeurs, et le plaisir qu´il procure quand à certaines époques les moeurs se libèrent. Sa verve, bien que fort différente, est aussi brillante que celle qu´il utilise pour présenter quelques heureuses formules du ronchonneur solitaire qu´est Paul Léautaud.
[ Paul Léautaud en verve´. Présentation et choix de Hubert Juin, Horay, 2003 ]

L´Art d´aimer
est divisé en trois livres. Le premier traite de la séduction et des ruses de l´homme pour lui permettre de conquérir la femme qu´il convoite. Le deuxième s´attache à révéler ce qu´il lui convient de faire pour retenir l´aimée; là est d´ailleurs l´essentiel de cet art d´aimer : la conquête purement physique n´est rien si l´amant ne sait, par la tendresse perpetuée et sans cesse renouvelée, conserver son amour. Le troisième livre est pour l´époque plus surprenant encore : il fait de la femme une personne et non un objet de plaisir.

Etant d´avant les théologiens, Ovide ne dissocie pas l´âme du corps. Il va même plus loin : son "art d´aimer" sous-tend que l´acte d´amour a pour fin le plaisir et non la procréation. Rien n´est donc plus éloignée à Ovide que la notion de péché. Et même : le bonheur que procure le plaisir est à la portée des plus obscurs. Il n´est pas pour autant libertin. Prince des poètes, Ovide n´aurait jamais pu imaginer les procédés d´effraction d´un Choderlos de Laclos et plus encore ceux d´un Marquis de Sade dévoyé. Il admet pourtant qu´il faille feindre et tricher, mais à l´intérieur de limites permises. Le plaisir "pour qu´il soit vraiment agréable, il faut que la femme et l´homme y prennent part également:"  Les conseils d´Ovide ne procèdent pas d´un art du jouir, mais de la tendresse réciproque et du respect de l´Autre. Il n´a jamais été l´apôtre du "bas corporel".

Innombrables sont les moyens de plaire qu´Ovide mentionnent. Encore plus nombreux les lieux où il convient de les exercer. À Pompéï, dans La Villa des Mystères ( 70-60 av. J.-C.), la peinture monumentale de la salle à manger montre à droite une servante coiffée d´une couronne de myrte, symbole de Vénus. Les plaisirs de la table précèdent souvent le plaisir du lit.  

Le lecteur moderne se doit de ne pas être rebuté par les multiples exemples pris à la mythologie. Les notes en bas de pages du traducteur Henri Bornecque sont plus que les bienvenues : elles replacent dans leurs contextes les ébats amoureux sans cesse renouvelés des dieux de l´Olympe et du Capitole. Ils sont, pour l´époque, ce que sans doute sont de nos jours, les frasques des idoles contemporaines qu´avec complaisance révèle la presse people.

Ce beau texte bien traduit permet au corps, longtemps brimé par les docteurs et sorbonnards, de reprendre ses droits.

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