Olav H. Hauge ( 1908 - 1994 ), poète norvégien de l´Ouest de la Norvège, était jardinier de profession. Il a cultivé en tant que tel un verger toute sa vie. C´est un autodidacte dont la poésie est d´une simplicité trompeuse : il se réfère aussi bien à Homère qu´à la Bible, aux classiques chinois ou japonais qu´au norois. Il a aussi revisité Stephen Crane, Yeats, Hölderlin, Brecht, Mallarmé, Rimbaud, Paul Celan et quelques autres. La nature fonctionne souvent chez lui comme symbole et comme métaphore pour exprimer les expériences les plus fondamentales de l´homme. On peut dire qu´il a introduit l´imagisme en Norvège. Sa langue est le néo-norvégien ; ou plutôt le landsmål d´avant la réforme de 1917- et non le riksmål ou bokmål, langue standard adaptée du danois.
[ Ulvik, dans le fjord de Hardanger ]
Son pays, son sol, est entre ciel et mer, entre fjord et fjeld. Sa poésie est paysage, douce et escarpée, pauvre et fertile toute à la fois, abrupte et vallonnée, ruisselante de pluie comme l´est la terre à l´automne ou ensoleillée les jours d´été ; enneigée l´hiver ou gorgée des eaux du dégel au printemps. C´est la nature de l´Ouest de la Norvège, celle d´Ulvik dans le fjord de Hardanger. Tous ceux qui travaillent la terre dans ce pays-là, face à la mer et au vent, savent que les mots s´envolent et se posent sur la page comme les oiseaux sur la neige : Nouvelle nappe jaune sur la table / et nouvelle page blanche ! / Ici doivent venir les mots / ici qui est une si belle nappe / et du si beau papier ! / La glace a figé le fjord / et les oiseaux sont venus s´y poser.
Une ferme, une habitation, une grange, aussi isolées soient-elles, quand on travaille au dehors, sont toujours habitées. Le chat est assis / dans l´enclos de la ferme / Quand tu rentres / parle un peu au chat / C´est lui le plus attentif de la ferme.
Vivre jour après jour est possible. "Dans le gris des journées, éplucher des pommes de terre, ratisser des feuilles, porter du riz, il y a tant de choses à penser en ce monde / une vie d´homme ne suffit pas. Les sept vies d´un chat non plus. On pourait croire qu´écrire de tels vers est facile. Rien n´est plus faux. C´est le prix qu´Olav H. Hauge a payé pour sortir de l´ombre. Il faut comprendre aussi ce qui est tu : Ce dont je me souviens le mieux de mon enfance / c´est le vent / Maintenant il n´ y a plus de vent. / Pas de vent / ni d´oiseaux. / Où donc tout cela mènera ?
Autant que la terre, et le paysage, ce que la poésie d´Olav H. Hauge donne à voir, c´est de découvrir autre chose que la réalité : C´est ce rêve que nous portons / que quelque chose d´extraordinaire arrive / que ca puisse arriver / que s´ouvre le temps / que s´ouvre le coeur / que s´ouvrent les portes / que s´ouvre la montagne / que coulent les sources / que s´ouvre le rêve / que nous glissions à l´heure du matin / dans une crique dont nous n´avions pas entendu parler.
Peut-on toujours voir l´invisible ? il faut se souvenir que le bon sens de l´homme est ce qui nous fait poser les pieds sur terre. Tout compte fait est une expression qui revient plusieurs fois dans les poésies d´Olav H. Hauge. Ses longues années de jardinier-poète lui ont appris que les mots les plus simples sont ceux qui portent le mieux. "On ne pose pas son chapeau sur un rayon de soleil" rapporte Jan Erik Vold. C´est dans la terre que l´on plante les pieux. Sa vie est autant dans son verger que dans sa bibliothèque amassée années après années : Je ne suis qu´un germe / avec peu de pensées / et ne pousse / que si l´on m´arrose.
De lui, de son corps, il sait qu´il ne restera rien. Sa disparition était présente dès son premier recueil : Je ne suis qu´une étincelle / du grand feu / et comme une flambée dans l´obscurité / je m´éteindrai un soir.
Il serait sans doute assez judicieux de s´aviser de le traduire mieux que je l´aie fait ici pour le centenaire de sa naissance.
Une ancienne référence : Les Lettres Nouvelles, Déc. 1973-janv. 1974, "Ecrivains de Danemark, des îles Féroé, d´Islande, de Norvège", présentés par C.-G. Bjurström. On trouve huit poèmes de Olav H. Hauge traduits par C.-G. Bjurström et Jean Queval.