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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 09:41


Philippe Jaccottet
, poète et traducteur, vient de publier à 80 ans Ce peu de bruits (Gallimard, 2008, 120 pages, 12 € ).

Ce sont des pensées venues au bord du ravin, de simples bribes,
 quelques fragments surgis ici et là.  Il nous les livre au gré de ses souvenirs et de passages fulgurants d´écrivains qui l´ont accompagné toute sa vie. Ils ont nom Keats, Hölderlin, Handke, Leopardi, Rilke, Kafka : ces écrivains qui vous font honte d´écrire après eux.

Ce sont des fragments de petits bonheurs que lui donnent une fleur, un rossignol, un engoulevent, une buée, un souffle de vent, un arbre, un rose de ciel un soir, alors que tant de misère, de guerres, de tristesse et de déchéances humaines embrunissent le ciel.

Plus que la fleur du printemps ou de l´été, il nous montre l´hiver et sa neige, l´automne et ses brumes. Mais ce chant de cygne nous laisse le temps d´espérer, par-delà le temps de la lecture :

     Le don, inattendu, d´un arbe éclairé par le soleil bas de la fin de l´automne ; comme quand une bougie est allumée dans une chambre qui s´assombrit.

     Pages, paroles cédées au vent, dorées elles aussi par la lumière du soir. Même si les a écrites une main tavelée.

     Violettes au ras du sol : "ce n´était que cela" , "rien de plus" ; une sorte d´aumône, mais sans condescendance, une sorte d´offrande, mais hors rituel et sans pathétique.
     Je ne me suis pas agenouillé, ce jour-là, dans un geste de révérence, une attitude de prière ; simplement pour désherber. Alors j´ai trouvé cette tache d´eau mauve, et sans même que j´en recoive le parfum, qui d´autres fois m´avait fait franchir tant d´années. C´est comme si, un instant de ce printemps-là, j´avais été changé : empêché de mourir.

     Il faut désembuer, désencombrer, par pure amitié, au mieux : par amour. Cela se peut encore, quelquefois. À défaut de rien comprendre, et de pouvoir plus.

     À la lumière de novembre, à celle qui fait le moins d´ombre et qu´on franchit sans hésiter, d´un bond de l´oeil.
                                                                --------
Quelques liens : - Un poète jardinier.
                         - Une page tournée ?
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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 14:11



J´ai passé comme il se doit le 17 mai en famille. Sur le plan national et officiel, et partout en Norvège, on a célébré le poète Henrik Wergeland (1808-1845) plus encore qu´auparavant, car cette année 2008 est le bicentenaire de sa naissance. Petit-fils de paysan et fils de pasteur, il est sans conteste l´un des pères de la nation. On lui doit notamment la commémoration de la plus belle fête nationale qui soit. Célébrée le 17 mai, elle rappelle à tous la Constitution norvégienne signée à Eidsvoll le 17 mai 1814. Cette constitution, l´une des plus libérales au monde et toujours en vigueur, donnait en effet à la Norvège sa liberté après plus de 400 ans de domination danoise et placait déjà le pays parmi les vraies démocraties.

Mais on doit à Henrik Wergeland beaucoup plus. Dès son plus jeune âge, sans jamais se lasser et jusque sur son lit de mort, il s´est engagé sur tous les fronts. La mission pour laquelle il se sentait investi n´était autre que celle de se mettre au service du peuple paysan et ouvrier. Il a été à lui seul bibliothèque, maison d´édition, université populaire. Il a écrit sur tout et abordait tous les domaines de la connaissance pour éclairer toutes les catégories sociales de la société de son temps. Près de deux cents ans après, la population du Nord au Sud, de l´ Est et de l´ Ouest, lui est toujours reconnaissante. On l´honore et on lui rend hommage dans la plus reculée des communes du pays et le plus petit des jardins d´enfants, la moindre école et tout établissement scolaire. Car c´est aussi lui qui est à l´origine de faire défiler ce jour-là les enfants et élèves du pays tout entier, de leur naissance à 18-19 ans, et notamment les fameux "russ" ou futurs bacheliers.

Wergeland est cependant avant tout poète. Sa poésie peut autant être comparée aux émancipations enflammées de Byron qu´à la puissance impétueuse de Shakespeare ou au Verbe du jeune Hugo. Son inspiration est véritablement cosmique. Wergeland écrit comme il respire. Il définissait d´ailleurs l´acte créateur "une lucide extase". Ses vers défilent les uns après les autres comme sa respiration :

                                           Ô printemps, printemps, sauve-moi !       
                                            Qui t´a aimé plus tendrement que moi ?
                                                                 ( "À ma Giroflée" )

 
Tout autre est le registre lyrique du poète Olav H. Hauge (1908-1994), autodidacte et jardinier récoltant les fruits des arbres de son verger à Ulvik dans le Hardanger. En cette année qui est le centenaire de sa naissance, il mériterait que l´on pense un peu plus à lui car sa vie de paysan et sa poésie célébrant les travaux les plus humbles de la terre étaient ce que beaucoup d´entre nous cherchent aujourd´hui à retrouver au contact de la nature : redevenir un homme proche de la terre, être un paysan au solide bon sens, un jardinier qui vénère la nature et se plie aux caprices du temps et des saisons, un sage que le respect simple de la nature sauve de la médiocrité en lui permettant de stimuler son imagination ; un lecteur, aussi, qui reconnaît que toute lecture le rend chaque jour un peu plus instruit. Olav H. Hauge est un homme libre et sain car il mène sa modeste vie, comme des millions d´hommes avant lui ont mené la leur : au rythme de la vie des arbres qui fleurissent et donnent des fruits comme les cerisiers de son verger :

              Si T´ao Ch´ien vient
              un jour en visite, je lui
              montrerai des cerisiers et mes pommiers,
              j´espère qu´il viendra plutôt au printemps
              quand ils sont en fleurs. Après nous irons nous asseoir à l´ombre,
              avec un verre de cidre, je pourrai peut-être lui montrer
              un poème - si j´en trouve un qu´il aime.
              Les dragons qui crachent au-dessus d´eux dans le ciel leur fumée et leur poison
              glissaient de son temps plus en silence,
              et davantage d´oiseaux gazouillaient.
              Il n´y a rien ici qu´il ne pourra comprendre.
              Plus encore qu´avant il a envie de se retirer
              dans un coin de jardin comme ici.
              Mais je ne sais s´il le fera en bonne conscience.
                                           
( "T´ao Ch´ien" - Demande au vent )

Car il sait, comme il le dit ailleurs dans le même recueil :

                    
                            Le vent le plus faible
                                                qui va partout,
                                                il apporte souvent
                                                la réponse,
                                                si on lui demande.
                                  
                                 ( Demande au vent )

On peut naître et devoir vivre, sans savoir pourquoi, sous les plus grandes tempêtes. 

                    
Mais on peut vivre
                    
aussi au quotidien,
                    
le jour tranquille et gris,
                     
éplucher des pommes de terre
                     ratisser des feuilles
                     porter du riz,
                     il y a tant de choses à penser en ce monde,
                     une vie d´homme ne suffit pas.
                     Après l´effort tu peux te cuire un morceau de lard
                     et lire des vers chinois.
                     Le vieux Laërte taillait des églantiers
                     et des figuiers,
                     et laissait à Troie les héros s´entre-tuer.
                                                                 
( Le quotidien )

Heureux Olav H. Haugen qui nous fait comprendre, comme quelques autres au cours des siècles passés et divers lieux du monde, que c´est dans son verger qu´est sa terre nourrice.
      



                  

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16 mai 2008 5 16 /05 /mai /2008 20:12
En cette veille du 17 mai, fête nationale en Norvège, j´ai fait quelques achats de fleurs d´ornements pour décorer mon balcon. Je me suis contenté de six dahlias de couleurs différentes , que l´on appelle aussi ici sommergeorginer.

                                                          
Et tu trônes, idole insensible à l´encens./
  - Ainsi le dahlia, roi vêtu de splendeur,/
  Elève sans orgueil sa tête sans odeur,/
  Irritant au milieu des jasmins agacants.
 

                                       Verlaine
, Poèmes saturniens
      
              Gratulerer med dagen !            

                                                                                                                                        
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17 avril 2008 4 17 /04 /avril /2008 21:07

Homme politique et homme de lettres, Aimé Césaire restera, avec Léopold Sedar Senghor ( 1906-2001 ), le principal créateur de la notion de négritude ( vers le début des années 1930 selon le Petit Robert ):

ma négritude n´est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n´est pas une taie d´eau morte sur l´oeil mort de la terre
ma négritude n´est ni une tour ni une cathédrale


elle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l´accablement opaque de sa droite patience.

Cahiers d´un retour au pays natal - Dans toutes les bonnes librairies et un et quelques autres blogs.










Relisons et inclinons-nous humblement devant cette oeuvre dans laquelle le surréalisme s´y épanouit "en une fleur énorme et noire". ( Jean-Paul Sartre )


Remarque : Césaire a clamé son indignation quand récemment certains parlementaires ont voulu se substituer aux historiens pour légiférer sur le contenu de la colonisation et y voir un aspect éminemment positif.  
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18 novembre 2007 7 18 /11 /novembre /2007 03:16

REbus.jpg
Jeux des gendarmes et, - des voleurs.
Jeu de l´oie blanche, - et du cormoran noir. 
geai-jais-j´ai, - juste la monnaie.
Naïf.super, - les hauts de hurlevants,
Pris par la femme, - Erlend Loup sauvage.

V´là l´bon vent,  v´là l´joli vent,
V´là l´e bon vent, - m´amie m´appelle,
Gymkhanard; - GymBernard,
Roue, roue, quelques noeuds.
Ils en perdent leurs pédales.
tout doux mon peton,
Quel couillon 
I  veut pas,
i veut seul comme un grand.
  
                     

              Gants jétés
               silence 
               soulagé
               Repos du Guerrier, 
               De BB comme du livre
              PluSs encore des régularités
              pisser chier, boire et péter, - et bien sur bouffer
              au sens séntunjhais; - Qu´esca co ?

détours et apartés
Bibliothèque 
Alphabets
Heure du conte
Théâtre pour enfants
Quelques emprunts 
    sic je vous le jure 
    de Siménon
   
La Tête d´un homme
    Lecture Facile 
    de chez Hachette
Prolongation du repos mérité
Football 2-1 pour le match 
Norvège Turquie

Et puis à nouveau
Blunk, blunk blunk,
Pumm pum pum
Plink, plink plink
boum boum boum
Puque et flic
Faits d´or faux 
d´agents viciés
Bris de verres 
qui laisent les traques et les traces que l on sait.

                Repos forcé
               Air connu
               Kurtzwellen
               Stochhausen
                
Plus connu
                Avec Boulez
                et Schoenberg
               A survivor from Varsovie, - op.46

Couché 21 heures 30 avec Horrifil et Superksa 
Pas dormir
Ecrit brouillon noir papier
sans ratures vraiment

Le  raccourci pour celui qui le prend sans savoir à  l´avance prendre certains virages sans jamais s´y être excercé pas à pas, - mest au pairil sa vie sang horizon puisque Béotien sans but et horizon. Guillaume A.  dit Costaud pour Kostrowitzky, et Paul Celan dit Paul Antschel pour Ilana Shmueli dans sa correspondasnve, en savent quelque chose. Et bien d´autres aux camps d´honneurs, d´oignons et sous l ´herbe quand ce n´est pas la fausse joie et plus encore la fosse commune.

Mots bonheur, car écrit assez , connaissant  les lieux des boîtes  où les divers messages destinés aux destinataires devaient être déposés dans les délais les plus bref et sans tarder. La fintion. comme toujours, a pris du temps. Le vent entre temps avait changé. De plaisant il est passé à pesant. 

Il faut du temps pour
beaufiner et desherber.

 

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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 19:17
AUSTAVIND.jpgUne page bien écrite ou non, laisse souvent  une trace : 






Le vent le plus faible, 
qui va partout, 
il apporte souvent 
la réponse, 
si on lui demande.








Olav H. Hauge
selon Si bémol


Variante : Après le vent , / la rage; / ou la pluie, / c´est selon
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26 octobre 2007 5 26 /10 /octobre /2007 14:33

En cherchant à vérifier quelques vers de Guillaume Apollinaire il y a peu, j´ai retrouvé autre chose que je n´ai pas jeté avec d´autres papiers, brouillons, lettres et autres griboullis. Sans parler de nombreux livres.
         
                      Mon coeur uni avec le tien
                      Tes yeux plongés dans les miens
                       L´enfant à venir
                          Etreinte d´amour de l´un de l´autre
                          Etreinte de frissons l´un pour l´autre
                          Etreinte joie pure
                      Quatre lettres pour Adam
                      Ta main dans ma main, union de deux mains
                       Plénitude du repos avant le renouveau du jour

Faut-il parler de plagiat ? D´influence ? De sources ? D´inspiration ? Ou employer un mot plus savant qui a eu son heure de gloire il n´y a pas si longtemps : intertextualité ? Peu importe aujourd´hui, car je m´amuse bien.

De Guillaume Apollinaire, extrait de Calligrammes, voici "La montre" :


 Comme l´on s´amuse bien
 La beauté de la vie
 Passe la peur de mourir

      Mon coeur
      Les yeux
      L´enfant
      Agla
      La main
      Tircis
      La semaine
      L´infini redressé par un fou philosophe
      Les Muses aux portes de ton corps
      Le bel inconnu
      Et le vers dantesque luisant et cadavérique
      Les heures

 Il est moins 5 enfin
 Et tout sera fini


Agla est cabalistique (pour le moins).

Tircis est sans doute un double jeu de mots érotique qui reprend un calembour d´une chanson de carabin, et qui fait allusion à un sonnet sans titre de Théophile de Viau que Baudelaire attribue à Maynard dans Mon coeur mis à nu en modifiant un vers et un nom.

Pour Les Muses aux portes de ton corps il ne s´agit sans doute pas du poème à Lou : "En allant chercher les obus" : "Ô portes de ton corps, elles sont neuf et je les ai toutes ouvertes" , - mais d´une lettre à Madeleine : "Les neuf portes de ton corps". ( X )

                                                                   x x x

J´ai volontairement enlevé la cravate.   

                   


   

   

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29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 12:57

Les Feuillets d´Hypnos de René Char ( ci contre par Brassaï en 1953 ) vient d´être réédité en édition scolaire ( FolioPlus classiques, 2007, 3,33 € ), avec un dossier établi par Marie-Françoise Delecroix et précédé de la "lecture" faite par Alain Jaubert d´un tableau de Georges de La Tour que René Char a commenté alors qu´il était au maquis dans les années 1942-1944. C´est, comme l´écrit la journaliste du Journal Le Monde Brigitte Salino, l´oeuvre d´un poète combattant " les ennemis de l´intérieur ( Vichy ) [ comme ceux ] de l´extérieur ( Berlin )". Ce sont à vrai dire les notes d´un poète écrites au jour le jour. Au nombre de 237, elles " marquent la résistance d´un humanisme conscient de ses devoirs ",  comme René Char l´écrit lui-même au seuil du receuil. La première édition, dédiée à Albert Camus, date de 1946. Son traducteur allemand mérite d´être mentionné : ce n´est autre que Paul Celan, poète "après" Auschwitz. 

Ces notes, autant éclats que pépites ou simples fragments, ont été griffonnées sur les feuilles d´un carnet que René Char a appelé " garde-butin " alors qu´il était le Capitaine Alexandre dans la Résistance. La référence à Hypnos, le dieu de Sommeil, frère jumeau de Thanatos ( la Mort ), et dont la mère est Nyx ( la Nuit ), montre clairement les ténèbres dans lesquelles la France était alors plongée. Feuillets au pluriel est tout aussi riche de sens : ce sont autant les feuilles d´un carnet de notes que des feuilles mortes d´automne ou d´hiver que le feu ou le vent auraient pu emporter à jamais. Aphorismes ou réfexions, elles se lisent comme des poèmes. " Toutes les feintes auxquelles les circonstances me contraignent allongent mon innocence. Une main gigantesque me porte sur ma paume. Chacune de ses lignes qualifie ma conduite. Et je demeure là comme une plainte dans son sol bien que ma saison soit de nullle part". ( Fragment 206 ).

La couverture de cette édition scolaire reproduit avec raison le tabeau de Georges de La Tour que René Char a commenté dans le fragment 178. Pour René Char, le tableau avait pour titre Le Prisonnier.  Il lui a permit d´éclairer son quotidien de résistant pendant deux ans. Il le décrit en poète dans son fragment 178. Les spécialistes ont démonté plus tard que le tableau avait en réalité pour titre Job raillé par sa femme....

C´est Pierre Assouline qui a attiré mon attention sur ce tableau quand j´ai lu avec bonheur ses Eclats de biographies dont j´ai rendu compte ici-même dans ce blog. J´ai même osé revenir quelques jours plus tard sur ce  tableau dans une nouvelle chronique alors intitulée La question du titre d´une oeuvre. Je parlais aussi de L´Angélus de Millet et plus encore de L´origine de monde de Gustave Courbet. L´édition scolaire des Feuillets d´Hypnos reprend toute l´analyse du cinéaste écrivain Alain Jaubert sur laquelle s´appuyait Pierre Assouline. A lire de toute urgence. A défaut, on peut se reporter sur le blog d´Assouline à la récente chronique qu´il vient de lui consacrer : Comment lire les tableaux. Et oublions l´adaptation paraît-il scandaleuse des "Feuillets d´Hypnos" (que je n´ai pas vue), et que dénonce semble-t-il avec raison la journaliste Brigitte Salino citée plus haut, et plus encore Pierre Assouline dans sa chronique C´est Char qu´on assassine.

L´important est finalement la conclusion de l´étude d´Alain Jaubert, à savoir la rencontre inattendue du poète René Char, issu du surréalisme et de l´armée des ombres avec le peintre Georges de La Tour sorti tout à coup de l´ombre, et que Malraux dans Les Voix du silence (1951) considère comme "le seul interprète de la part sereine des ténèbres". La conclusion d´Alain Jaubert mérite d´être méditée : " Que La Tour, témoin inquiet d´une époque elle-même fort tourmentée, se retrouve au coeur d´un maquis de la Résistance est en fin de compte une des coïncidences dont l´histoire de l´art nous offre parfois quelques exemples étranges".

L´entrée en Résistance de René Char commence par cette injonction : " Ne t´attarde pas à l´ornière des résultats " ( Fragment 2 ). Dans le fragment 237 et dernier, elle se termine par ces termes : " Dans nos ténèbres, il n´y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté."

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13 avril 2007 5 13 /04 /avril /2007 13:05

Paul Celan ( 1920-1970 ) est un écrivain difficile, voire hermétique. Poète juif de langue allemande, il écrit, malgé ce qu´a affirmé Theodore Adorno en 1951, qu´il n´est pas "barbare" d´écrire de la poésie  "après  Auschwitz". En réalité, il écrit  "d´après Auschwitz" , " en fonction " d´Auschwitz". Mais il est difficile à suivre tellement les implications autobiographiques ainsi que les allusions juives et citationnelles de tous les penseurs et poètes du monde entier qu´il a lus et traduits sont nombreuses


Il est né en 1920, juste après la chute de l´Empire austro-hongrois, dans une région dont les frontières ont été déplacées au gré des soubresauts de l´Histoire avec une grande hache, comme dirait Georges Perec. Né entre l´Ukraine, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Roumanie ; ce qui a fait qu´entre 1920 et 1945, Paul Celan, de son vrai nom Pessach Antschel, n´a pas eu moins de quatre nationalités. C´est en 1955, vivant à Paris depuis 1947, qu´il a été naturalisé Français. Il avait déjà publié quelques poèmes sous le pseudonyme de Paul Celan, un anagramme de la graphie roumaine "Ancel". Il était déjà connu et reconnu comme traducteur en langue allemande de Shakespeare, Ungaretti, Mandestam, Henri Michaux, Arthur Rimbaud...

On dit de lui qu´il est le plus grand poète de langue allemande depuis Rilke. Il a été par ailleurs lecteur d´allemand à l´Ecole Normale Supérieure de la rue d´Ulm de 1959 à 1970, date de son suicide, en même temps que Samuel Beckett était lecteur d´anglais.

Le "Choix de poèmes" réunis par lui-même dans l´édition bilingue de la collection Poésie/Gallimard de la nrf, est traduit et présenté par Jean-Pierre Lefebvre. Ce dernier relève, au-delà de trois ou quatre faits autobiographiques et familiaux a vous faire perdre la raison, deux mots qu´il convient d´avoir à l´esprit si l´on veut comprendre la pensée poétique de Paul Celan : "schaufeln" qui signifie "manier la pelle", "creuser". A 22 ans, en 1942, et jusqu´au début de 1944, Paul Celan a été enrôlé pour le travail forcé de cantonnier. Il écrit comme on remplit des vides, comme on creuse des fosses. Le second mot est "stehen", être debout, persister. Sa mère, selon des témoins, a été exécutée d´une balle dans la nuque. Son père est mort des suites du typhus. Paul Celan poète tient à persister, à écrire, donner un sens à la parole d´après et en fonction d´Auschwitz. Il est dommage que Jean-Pierre Lefebvre n´ait pas relevé  davantage de mots de cette importance pour nous permettre de mieux comprendre la poétique de Paul Celan. Ses poèmes sont difficilles, remplis d´allusions autobiographiques, juives, ainsi que d´innombrables emprunts aux penseurs et poètes du monde entier. Sans explications explicites, il est difficile de saisir les connotations sous-jacentes. "Aucune image ne peut faire écran, masquer Auschwitz " nous dit Jean-Piere Lefebvre. Il faut le croire. Citons cependant encore ce que Jean-Pierre Lefebvre précise en notes : "Grille de parole" est un poème qui est aussi le titre de tout un recueil. Le titre désigne la grille de parloir, dans les couvents, qui sépare les religieux des visiteurs. La grille qui sépare les paroles est aussi la structure qui organise la production du cristal. Le francais emploie plutôt la notion de "réseau"... Mais rien ne sert de parler de poésie sans la donner à lire. Donnons donc la parole à Paul Celan lui-même : GRILLE DE PAROLE  Rond d´un oeil entre les barres. // Vibratile animal paupière / rame vers le haut, / permet un regard..// Iris, nageuse, sans rêve et morose : / le ciel, gris-coeur, doit être proche. // Penché, dans la bobèche de fer, / le copeau fumeur cracheur de suie. / Au sens de la lumière / tu devines l´âme. // (Si j´étais comme toi. Si tu étais comme moi. / N´étions-nous pas / sous un seul et même alizé ? / Nous sommes des étrangers. ) // Les carreaux, par terre. Dessus, / serrées l´une contre l´autre, les deux / flaques gris-coeur : deux / pleines bouches de silence.

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11 mars 2007 7 11 /03 /mars /2007 08:15

Olav H. Hauge ( 1908 - 1994 ), poète norvégien de l´Ouest de la Norvège, était jardinier de profession. Il a cultivé en tant que tel un verger toute sa vie. C´est un autodidacte dont la poésie est d´une simplicité trompeuse : il se réfère aussi bien à Homère qu´à la Bible, aux classiques chinois ou japonais qu´au  norois. Il a aussi revisité Stephen Crane, Yeats, Hölderlin, Brecht, Mallarmé, Rimbaud, Paul Celan et quelques autres. La nature fonctionne souvent chez lui comme symbole et comme métaphore pour exprimer les expériences les plus fondamentales de l´homme. On peut dire qu´il a introduit l´imagisme en Norvège. Sa langue est le néo-norvégien ; ou plutôt le landsmål d´avant la réforme de 1917- et non le riksmål ou bokmål, langue standard adaptée du danois.

[ Ulvik, dans le fjord de Hardanger ]

 Son pays, son sol, est entre ciel et mer, entre fjord et fjeld. Sa poésie est paysage, douce et escarpée, pauvre et fertile toute à la fois, abrupte et vallonnée, ruisselante de pluie comme l´est la terre à l´automne ou ensoleillée les jours d´été ; enneigée l´hiver ou gorgée des eaux du dégel au printemps. C´est la nature de l´Ouest de la Norvège, celle d´Ulvik dans le fjord de Hardanger. Tous ceux qui travaillent la terre dans ce pays-là, face à la mer et au vent, savent que les mots s´envolent et se posent sur la page comme les oiseaux sur la neige : Nouvelle nappe jaune sur la table / et nouvelle page blanche ! / Ici doivent venir les mots / ici qui est une si belle nappe / et du si beau papier ! / La glace a figé le fjord / et les oiseaux sont venus s´y poser.

Une ferme, une habitation, une grange, aussi isolées soient-elles, quand on travaille au dehors, sont toujours habitées. Le chat est assis / dans l´enclos de la ferme / Quand tu rentres / parle un peu au chat / C´est lui le plus attentif de la ferme.

Vivre jour après jour est possible. "Dans le gris des journées, éplucher des pommes de terre, ratisser des feuilles, porter du riz, il y a tant de choses à penser en ce monde / une vie d´homme ne suffit pas. Les sept vies d´un chat non plus. On pourait croire qu´écrire de tels vers est facile. Rien n´est plus faux. C´est le prix qu´Olav H. Hauge a payé pour sortir de l´ombre. Il faut comprendre aussi ce qui est tu : Ce dont je me souviens le mieux de mon enfance / c´est le vent / Maintenant il n´ y a plus de vent. / Pas de vent / ni d´oiseaux. / Où donc tout cela mènera ?

Autant que la terre, et le paysage, ce que la poésie d´Olav H. Hauge donne à voir, c´est de découvrir autre  chose que la réalité : C´est ce rêve que nous portons / que quelque chose d´extraordinaire arrive /  que ca puisse arriver / que s´ouvre le temps / que s´ouvre le coeur / que s´ouvrent les portes / que s´ouvre la montagne / que coulent les sources / que s´ouvre le rêve / que nous glissions à l´heure du matin / dans une crique dont nous n´avions pas entendu parler.

Peut-on toujours voir l´invisible ? il faut se souvenir que le bon sens de l´homme est ce qui nous fait poser les pieds sur terre. Tout compte fait est une expression qui revient plusieurs fois dans les poésies d´Olav H. Hauge. Ses longues années de jardinier-poète lui ont appris que les mots les plus simples sont ceux qui portent le mieux. "On ne pose pas son chapeau sur un rayon de soleil" rapporte Jan Erik Vold.  C´est dans la terre que l´on plante les pieux. Sa vie est autant dans son verger que dans sa bibliothèque amassée années après années : Je ne suis qu´un germe / avec peu de pensées / et ne pousse / que si l´on m´arrose.

De lui, de son corps, il sait qu´il ne restera rien. Sa disparition était présente dès son premier recueil : Je ne suis qu´une étincelle / du grand feu / et comme une flambée dans l´obscurité / je m´éteindrai un soir.

Il serait sans doute assez judicieux de s´aviser de le traduire mieux que je l´aie fait ici pour le centenaire de sa naissance.

Une ancienne référence : Les Lettres Nouvelles, Déc. 1973-janv. 1974, "Ecrivains de Danemark, des îles Féroé, d´Islande, de Norvège", présentés par C.-G. Bjurström. On trouve huit poèmes de Olav H. Hauge traduits par C.-G. Bjurström et Jean Queval.

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