Le primat de la forme a toujours été premier chez Yves Bonnefoy. Son dernier ouvrage Raturer outre le prouve à nouveau (Galilée, 2010, 42 pages, 13 €). Il adopte le "pari prosodique de quatorze vers distribués en deux quatrains et deux tercets." Il avoue aussi que la contrainte d´éviter la répétition a écarté plusieurs pensées mais qu´elle en a fait surgir d´autres. Nous ne saurons jamais lesquelles, mais ce qui a été gardé est sublime : pour preuve ce "sonnet" :
Aucun dieu
Aucun dieu ne l´aura voulu, ni même su,
Aucun ne l´a accompagné dans sa fatigue,
Un rêve, cet enfant sur le boulevard
Qui marche près de lui, ceint de lumière.
Aucun n´est mort à l´heure où il est mort,
N´a pris sa main dans les draps en désordre,
Aucun n´aura jamais travaillé près de lui
Dans l´atelier qui remplaça la vie.
Remonte, dans les mots qui disent le monde,
Son silence, qui les dénie, qui me demande
D´en imaginer d´autres, mais je ne puis.
Personne n´a posé son regard sur lui.
Ce qui aurait pu être ne sera pas.
La parole ne sauve pas, parfois elle rêve.
Liens :
- En passant
- Pour que vieillir ce soit renaître
[Illustration : Greuze (1725-1805)
Vieillard et enfant (vers 1765)