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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 13:28


Comme l´indique le titre, Deux Scènes et notes conjointes, d`Yves Bonnefoy (Galilée 2009, 88 pages, 17 €) a deux parties. "Deux Scènes", qui n´a que 7 pages, est le récit poétique d´un voyageur qui "se risque dans les vieux quartiers, de Turin peut-être ou de Gênes". Apercevant des personnes qui surgissent à deux reprises sur des balcons différents, il se doute, qu´au-delà de l´enfance, elles lui viennent de l´inconscient ; d´où ce cri qu´il se lance, alors qu´il a plus de 85 ans : "Ah, souvenirs, souvenirs, que me voulez-vous, à ce moment de ma vie ?". Ecrites, "les yeux en somme fermés", elles côtoient donc l´intime, mais il tient à mieux comprendre, d´où les deux notes coinjointes qui cherchent, en un peu plus de 60 pages, d´élucider ce qu´ il y avait de sous-jacent.

La première de ces notes renvoie à la petite enfance, puis à des réminiscences de textes qui ne cessent de le hanter, notamment de Baudelaire et plus encore de Rimbaud avec "Royauté" des Illuminations.

La seconde note conjointe, beaucoup plus courte, est surtout analytique, mais tout aussi éclairante. Deux certitudes y sont affirmées. La première est "générale : c´est que dans l´existence, l´enfance ne finit pas". La seconde est plus personnelle : "c´est que l´enfance que j´eus ne prit fin, et ce fut alors très rapide, que lorsqu´elle déboucha dans le vaste espace de la civilisation italienne". Ou plutôt, car il ne se contredit pas, que c´est en Italie qu´elle s´est "reconnue, qu´elle y a consenti à soi, qu´elle y a accédé à sa condition d´adulte mais sans rien perdre de ses questions en suspens, de ses expériences, de sa mémoire".

Ces réflexions sont admirables. Elles affleurent, sans s´y complaire, l´intime le plus secret de la mémoire enfantine, rejetant "la distraction que nous nommons l´inconscient"  au profit des "vraies présences qui parlent". Elles rendent ensuite hommage à la terre d´Italie, et à tous ses " grands artistes [qui] ont conçu des oeuvres posant d´emblée la question de la présence, l´agrégeant à des statues, à des tableaux, à des fresques". C´est dire enfin toute la subtilité de cette écriture, "seul lieu possible de la conscience de soi".

Admirable Bonnefoy, que les ans n´altèrent pas.

Autres liens :- Que saisir sinon qui s´échappe
 - Le Louvre d´Yves Bonnefoy

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commentaires

B
<br /> @Dominique : Yves Bonnefoy est depuis longtemps sur la liste des nobélisables. Il a sans doute eu l´an passé le grand tort d´être plus âgé que J.M.G Le Clézio,<br /> plus facile à lire et quelque peu "tendance" ... avec son amour des grands arbres et sa défense des civilisations menacées. Dommage, car Yves Bonnefoy, selon mon humble avis, est<br /> beaucoup plus profond. Quant à Philippe Jaccottet, grand poète et IMMENSE traducteur, c´est une autre histoire. Mais ce que j´en dis ...<br /> <br /> <br />
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D
<br /> C'est un livre que je vais m'empresser d'aller feuilleter, les éditions galilée sont vraiment intéressantes et Yves Bonnefoy est pour moi  le grand poète aujourd'hui avec Jaccottet<br /> <br /> <br />
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B
<br /> @colo : Le propre des vrais artistes, c´est justement ce que vous dites : faire découvrir à nous autres non artistes ce que sans eux on n´aurait vu ni su exprimer.<br /> Merci pour ce beau commentaire et ce magnifique poème.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Quand je pense à Mr Bonnefoy, c'est à cause d'un poème que je garde précieusement depuis que je vis sur mon île; comme si j'avais découvert  les nuages ici. Peut-être l'aimez-vous aussi.<br /> <br /> La rapidité des nuages<br /> <br /> <br /> Le lit, la vitre auprès, la vallée, le ciel,<br /> La magnifique rapidité de ces nuages.<br /> La griffe de la pluie sur la vitre, soudain,<br /> Comme si le néant paraphait le monde.<br /> Dans mon rêve d'hier<br /> Le grain d'autres années brûlait par flammes courtes<br /> Sur le sol carrelé, mais sans chaleur.<br /> Nos pieds nus l'écartaient comme une eau limpide<br /> O mon amie,<br /> Comme était faible la distance entre nos corps !<br /> La lame de l'épée du temps qui rôde<br /> Y eût cherché en vain le lieu pour vaincre.<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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