Comme l´indique le titre, Deux Scènes et notes conjointes, d`Yves Bonnefoy (Galilée 2009, 88 pages, 17 €) a deux parties. "Deux Scènes", qui n´a que 7 pages, est le récit poétique d´un voyageur qui "se risque dans les vieux quartiers, de Turin peut-être ou de Gênes". Apercevant des personnes qui surgissent à deux reprises sur des balcons différents, il se doute, qu´au-delà de l´enfance, elles lui viennent de l´inconscient ; d´où ce cri qu´il se lance, alors qu´il a plus de 85 ans : "Ah, souvenirs, souvenirs, que me voulez-vous, à ce moment de ma vie ?". Ecrites, "les yeux en somme fermés", elles côtoient donc l´intime, mais il tient à mieux comprendre, d´où les deux notes coinjointes qui cherchent, en un peu plus de 60 pages, d´élucider ce qu´ il y avait de sous-jacent.
La première de ces notes renvoie à la petite enfance, puis à des réminiscences de textes qui ne cessent de le hanter, notamment de Baudelaire et plus encore de Rimbaud avec "Royauté" des Illuminations.
La seconde note conjointe, beaucoup plus courte, est surtout analytique, mais tout aussi éclairante. Deux certitudes y sont affirmées. La première est "générale : c´est que dans l´existence, l´enfance ne finit pas". La seconde est plus personnelle : "c´est que l´enfance que j´eus ne prit fin, et ce fut alors très rapide, que lorsqu´elle déboucha dans le vaste espace de la civilisation italienne". Ou plutôt, car il ne se contredit pas, que c´est en Italie qu´elle s´est "reconnue, qu´elle y a consenti à soi, qu´elle y a accédé à sa condition d´adulte mais sans rien perdre de ses questions en suspens, de ses expériences, de sa mémoire".
Ces réflexions sont admirables. Elles affleurent, sans s´y complaire, l´intime le plus secret de la mémoire enfantine, rejetant "la distraction que nous nommons l´inconscient" au profit des "vraies présences qui parlent". Elles rendent ensuite hommage à la terre d´Italie, et à tous ses " grands artistes [qui] ont conçu des oeuvres posant d´emblée la question de la présence, l´agrégeant à des statues, à des tableaux, à des fresques". C´est dire enfin toute la subtilité de cette écriture, "seul lieu possible de la conscience de soi".
Admirable Bonnefoy, que les ans n´altèrent pas.
Autres liens :- Que saisir sinon qui s´échappe
- Le Louvre d´Yves Bonnefoy