Clown ... et un peu plus - lettre 12

Cher Papa,

Je suis heureux de t´envoyer aujourd´hui jeudi 11 septembre 2008 une photo d´un clown hilare qui joue avec un petit chien dressé sur ses deux pattes de derrière. La sculpture que j´ai prise en photo se trouve à quelques centaines de mètres de chez moi à Oslo. C´est l´une des deux photos que j´ai prises hier avec un minuscule appareil numérique qui est aussi - en fait surtout - un téléphone qu´on a toujours sur soi. Voilà pourquoi on l´appelle en francais un portable. 

Il est impossible que tu puisses imaginer les progrès scientifiques qui ont eu lieu depuis ta mort au camp de concentation de Gandersheim, attestée le 28 février 1945 alors que tu avais juste trente neuf ans. Plusieurs personnes, différemment pour chacune d´elle, m´en ont dit du bien. Cela me fait évidemment plaisir. 

Les pétroliers sur lequels tu naviguais avant guerre te paraîtraient sûrement très petits comparés aux super-tankers d´aujourd ´hui.

Ta mort n´est pas seulement attestée dans des documents familiaux. Ton nom est cité deux fois en toute lettres dans un court passage du seul livre que Robert Antelme ait écrit, L`espèce humaine, dédicacé de sa main à Maman. J´ai plusieurs fois fait allusion à ce livre dans mon "blog" . Ton nom y est cité deux fois en toutes lettres. Le passage, - que j´ai lu un nombre incalculable de fois -, fait environ quatorze lignes. Il est possible que ce court passage soit bientôt cité ailleurs que dans mon blog. Cela me fait également très plaisir. Mais moi, dans les lettres que je t´adresse, et plus généralement dans les analyses de livres que je lis pour toi en imaginant que tu aurais aimé que je t´en parle (subjonctif présent ), je m´abstiendrai toujours de le citer en son entier. La première fois que j´ai fait allusion d´un manière très claire au très beau livre  (pour citer quelqu´un ...) qu´est L´espèce humaine de Robert Antelme où tu es cité, porte la date du 30/09/2006 dans une "contribution que j´ai appelée L´appartement de mon enfance. Ca fait donc presque deux ans. Ce n´est pas un anniversaire mais presque.

 La photo d´aujourd´hui, je l´ai prise pour un ami. Parce que je sais qu´un de ses grand-pères était clown . Moi, enfant, jusqu´à l´âge de dix-douze, c´est clown que je souhaitais devenir. Croix de bois, croix de fer, si je mens - je n´irai pas en enfer, - car à l´enfer, je n´y crois pas.

Je la dédie aussi à un très grand poète que tu aurais sûrement aimé, toi, cher Papa, qui lisais tant de poésies et qui étais capable de connaître par coeur des passages entiers. Toi qui, comme le rapporte Robert Antelme , "transcri[vais d]es poèmes sur des petits bouts de carton" de ta petite écriture parfaitement lisible quand tu étais prisonnier au camp de concentration de Gandersheim. Tu n´étais pas seul à les retrouver. Tous s´y mettaient, car, comme l´écrit Robert Antelme, " l´addition des souvenirs (...) était aussi une addition de forces."

Le poète auquel je dédie cette photo s´appelle Yves Bonnefoy.

C´est grâce à Pierre Assouline, dont je t´ai déjà parlé plusieurs fois, que je le lis systématiquement.

J´espère qu´il recevra cette année 2008, le prix Nobel de littérature.

La dernière fois que j´ai rendu compte de l´un de ses dernìers livres remonte à quelques jours. C´est après avoir lu le billet de Pierre Assouline intitulé "Un poète au Louvre" que je l´ai lu. Le titre qu´Yves Bonnefoy lui a donné est Le Grand Espace. Ce sont quarante "déambulations" comme seul un grand poète peut les écrire. La première est particulièrement magnifique. Il imagine comment, enfant, il aurait aimé parcourir, 
s´attarder
et découvrir
les salles du Louvre pour aller " là où il y a des images - lui dit-on - comme au devant de lui-même."

Lui, c´est bien plus tard qu´il a réellement découvert Le Louvre. Moi j´ai eu plus de chance grâce à un merveilleux professeur d´histoire et géographie .

Cher Papa, je t´embrasse affectueusement.

Ton fils Bernard.