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10 septembre 2008 3 10 /09 /septembre /2008 01:20
Cher Papa,

Tu aimais les devinettes, les jeux de mots, les calembours. Maman et ma soeur Claudine me l´ont assuré. Grâce aux innombrables lettres que, toute ta vie, tu as adressées à Maman, j´en ai maintenant la preuve. J´ai commencé en effet à les lire. Elles proviennent du monde entier puisque tu étais, au moment de ta mort, capitaine au long cours. Je ne crois guère me tromper en affirmant que j´ai retrouvé la toute dernière, car, en plus d´une date, il y a des mots qui ne trompent pas. Ces mots, momentanément, je les garde pour moi.

Tes amis, comme les miens, savent que tu aimais les livres. Les grecs, les latins, les classiques francais, et bien d´autres encore.Tu aimais particulièrement la poésie, notamment Villon. Ce n´est pas la première fois que je t´en parle quand je m´adresse à toi. Mais je viens de découvrir que tu aimais aussi Théocrite. Il faut avouer que ce poète grec est peu connu de nos jours. Ce nom faisait rire Claudine. C´était bien son droit de petite fille. Mais, me souvenant des livres d´autres écrivains grecs que tu avais dans ta bibliothèque, ainsi que des poètes francais qui se sont inspirés de lui, je commence à comprendre pourquoi tu aimais tant ce poète grec. Il est à l´origine d´un genre littéraire bien précis. Tes lettres que tu adressais à Maman le prouvent.

Il n´y a pas que les mots que tu aimais. Tu aimais aussi les citations. Je vais t´en soumettre une. Elle n´est pas facile. Elle est même retorse. Si quelqu´un, parmi ceux ou celles qui me lisent, la trouve, je veux bien qu´il ou elle me fasse signe. Et je dirai : "Chapeau !" Et même : "Chapeau bas !" Bis repetita placent. C´est pas celui qu´on croit.

"Et Salim, passablement amoché par sa compétition de karaté de la veille, un oeil au beurre noir et une main bandée, récite joliment d´un coup, sans hésitation ni faute, les trois strophes de " Mignone allons voir si la rose ... " apprises " il y a trois ans " , dit-il, assez fièrement. Applaudissements spontanés (1).
     Martin, jaloux, même s´il a eu droit lui aussi un jour à une ovation plus discrète, murmure, l´air blasé : " Le fameux carpe diem ! " je lui demande seulement de traduire et d´expliquer un peu, sans chercher à savoir ...
______________
    1. De tels souvenirs apportent parfois plus qu´une gratification narcissique passagère. Ils peuvent aider à survivre dans des circonstances exceptionnellement cruelles, comme en témoigne le passage du très beau livre de Robert Antelme où les prisonniers, à Buchenwald, essaient de se remémorer : " Heureux qui comme Ulysse ... " [ fin de citation ][ et de la page ]. 

Si, cher Papa, tu ne trouves pas seul qui parle de Salim, je ne t´en voudrai pas. C´est bien d´avoir de l´aide. Il y a toujours plus de choses dans deux têtes que dans une. " L´addition des souvenirs ( est ) aussi une addition de forces "

Je t´embrasse très affectueusement.

Ton fils Bernard      

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