Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 septembre 2007 4 20 /09 /septembre /2007 08:39
[ Suite III ] - J´ai oublié quel métier la mère de mon corespondant allemand pouvait exercer. Mais avait-elle un métier ? Je l´ignore. Elle pouvait après tout être uniquement femme au foyer, recevoir une pension de veuve et toucher quelques dividendes. Aucune des mères de mes camarades de classe que j´avais pu rencontrer au  Lycée Janson de Sailly ne travaillait. Il pouvait en être de même pour elle. 
mini-stuttgart-neues-schloss1.jpg
Peu importe : salariée en congés annuels ou pas, cette mère allemande, durant les deux fois un mois de juillet où j´étais à Stuttgart, consacrait toutes ses journées à s´occuper de sa grande maison, de sa famille et de moi, sauf certains soirs où elle allait rejoindre une chorale pour chanter . Elle était aussi occcupée que la grand-mère du foyer, mais, dans sa maison, elle se déplacait d´une manière plus silencieuse. 

Ma mère n´aimait pas faire la cuisine. Ce qu´elle faisait le mieux, c´était d´ouvrir les huîtres. J´ignore totalement si Madame Hangleiter aimait ou non faire la cuisine, mais préparer la table était son activité tôt le matin avant notre lever, ainsi que le soir une heure ou deux avant le coucher. Je l´ai vue un soir m´ apporter une omelette, et c´était la première fois que je voyais une omelette si bien présentée. Sans le dire, je pense souvent à elle quand je m´en fais une.  

Ce que je trouvais tous les jours sur la table de la salle à manger n´avait rien à voir avec ce que j´avais l´habitude de trouver chez moi. Le ryhme comme le choix étaient totalement différents. Le petit déjeuner francais, très peu consistant, est souvent pris en quelques minutes, surtout les jours ouvrables. Ce n´est qu´en hôtels que j´ai vu des croisssants durant la semaine. Ou le dimanche en famille ; éventuellement durant des vacances les jours de semaine. Enfant, ma mère ou ma soeur m´envoyait les chercher au coin de la rue Beaugrenelle. Adulte, j´allais  les chercher sans y être prié, autant pour remercier mon ou mes hôtes de leur hospitalité, que, dans d´autres circonstances, par coquinerie.

Ce que je trouvais matin et soir à Stuttgart en ces mois de juillet 1957 et 1958, me révélait certes des habitudes alimentaires différentes ; mais au-delà, je découvrais un cérémonial familal totalement différent : chaleureux, simple, et fait pour permettre à chacun d´entamer une nouvelle journée du bon pied. Je n´ai pas une connaissance approndie de beaucoup de pays, mais ce n´est qu´en Norvège que j´ai retouvé un rythme et une chaleur analogues. La table était soigneusement garnie avec un assortiment de pains noirs plus délicieux les uns que les autres coupés en tranches fines, des tomates et des oeufs durs coupés en tranches ou pas, différentes charcuteries fines coupées en lamelles que l´on saisissait avec une petite fourchette à deux dents ; et quelquefois, divers poissons séchés. Au choix, du thé, du café, du lait froid dans un pot, du jus d´orange. Peter, mon correspondant, faisait honneur à tout, et commentait en francais ou en allemand la saveur des tomates, la manière de les disposer selon qu´elles avaient été coupées en rondelles ou en bateaux, ou le pâté surmonté d´un petit cornichon. C´était délicieux. La mère de mon correspondant ne mangeait pas beaucoup, mais dirigeait la conversation autant qu´elle y participait. La grand-mère suivait tous nos gestes et pouvait elle aussi y aller de son commentaire quand on revenait à l´allemand. La tante Lothe, du haut de son mètre trente ou quarante, droite sur sa chaise, mangeait comme quatre. La soeur aînée de mon correspondant était rarement là. L´ambiance était alors totalement différente. J´ai rapidement senti, à défaut de tout comprendre, que l´on désapprouvait autant ses absences que sa présence. Elle arrrivait souvent après les autres et quittait la table la première. Elle vit depuis plus de quarante ans en Italie et envisage depuis peu de rentrer en Allemagne. Elle n´a pas pris cette décision en toute gaieté de coeur.

L´assortiment et le cérémonial du soir étaient plus simples et plus rapides. Chose curieuse : je ne me souviens pas du repas principal, ni à quelle heure il était pris. Il faut croire que ce petit déjeuner était suffisamment consistant pour qu´il me permette de tenir toute la journée et d´oublier le déjeuner à la francaise. Il n´empêche que le soir, j´aurais aimé avoir devant moi autre chose que ce que je trouvais le matin. On a dû s´en apercevoir, car j´ai trouvé une fois un carré de camembert coulant très légèrement. On me fit comprendre que c´était spécialement pour moi ; et pour être sûr que je me serve, la mère de mon correspondant a rapproché l´assiette au camembert près de moi. Horreur ! Un ver blanc s´est mis à se tortiller quand j´ai voulu me couper un morceau. Personne n´a crié. L´effort de me servir d´autres délikatesses francaises n´a plus jamais été renouvelé. De mon côté, je n´ai plus cherché à montrer un quelconque désappointement. Je crois qu´on s´en est apercu. J´ai toujours apprécié les bonnes manières de table, tout en évitant de croire que celles que j´ai apprises enfant sont les meilleures.

En dehors des heures de repas, nous passions nos journées, mon correspondant et moi, - ainsi que quelquefois sa mère -, à visiter les monuments de la ville de Stuttgart ainsi que les environs immédiats. Je ne me souviens à vrai dire de rien. Je ne vois donc pas l´utilité de chercher artificiellement à me remémorer la facade Nord ou Sud d´un château l´autre ou le détail d´un portail d´église en ressortant un album de photos sans intérêts vieux de plus de quarante ans. Ni de, etc... . 
PeterTourTV.jpg
Deux photos en revanche m´ont permis de revivre la malice et le bagou de mon correspondant Peter.
PeterParapluie.jpg
 Dépassant les 1 mètre 80, il était charmeur et le savait. Lunettes noires cachant ses yeux rieurs et pétillants, le col de chemise ouvert sous une gabardine bien coupée qui s´arrêtait un peu au-dessous des genoux, un parapluie utilisé comme un canne à pommeau, il avait lié conversation avec deux belles jeunes filles au sommet de la Tour de Télévision de la ville de Stuttgart. Il avait 16 ou 17 ans. Je n´avais que 13 ou 14 ans. Mon âge, ma timidité, ma taille, mon allemand ne me permettaient pas de le suivre. Je ne l´ai jamais envié, mais j´ai souvent admiré sa faconde enjouée.  L´exemple suivant en est la preuve. Autant que charmeur, Peter était farceur et joyeux luron. Il me demanda un jour d´été resplendisssant de faire croire que nous étions tous les deux des Francais perdus dans la ville de Stuttgart  ne connaissant aucun mot d´allemand. Arrivent deux policiers. Il les accoste et explique d´un seul mot qu´il répète une ou deux fois le nom du monument que nous voulons visiter. Serviable, l´un des policiers sort d´une poche un plan de la ville, indique où nous sommes et explique comment s´y rendre. A pied ou en tramway ?  Mon correspondant s´amuse comme un grand fou, et moi aussi. Il fait visiblement durer le plaisir. Arrivent deux Francais parlant bien allemand désireux d´aider. Peter ne se démonte pas. Au contraire. Il se met à parler francais avec volubilité. Son accent allemand est peu prononcé, mais enfin, il a un accent. Les deux Francais  ne mettent pas longtemps à comprendre la supercherie. Ils jouent le jeu : francais avec nous, allemand pour les deux policiers ; sourires retenus tant bien que mal en direction de Peter, clins d´oeil furtifs vers moi. Je m´enhardis et dis quelques phrases. Puis, je commence à percevoir chez l´un des policiers un regard soupconneux. J´hésite un peu, hoche la tête, et, en signe d´assentiment ,répète deux ou trois fois : " Compris ! Compris !" Le monument que Peter avait choisi de visiter se trouvait à l´autre bout de la ville. Nous sommes partis dignes en remerciant et les policiers et les Francais. Quand nous nous sommes retournés, les policiers allemands avaient disparus. Peter m´a envoyé un joli coup de coude dans le bras, et ne sais aujourd´hui si ce geste signifiait qu´il était content de lui ou mécontent de moi. 

Quand deux ou trois semaines plus tard, Peter et moi, nous nous sommes trouvés à Paris et que c´était moi qui étais  guide, j´ai refusé de jouer le même jeu en allemand. Mais j´avais pris goût de boire des bières pression à la terrasse des cafés de Stuttgart.  A Paris, je pouvais moi-aussi les commander. ( ... / ...  à suivre. Cf IV )

Partager cet article

Repost0

commentaires

M
<br /> Ah les surprises de l'internet... voici pas mal de temps que j' essaie de retrouver Peter Hangleiter, rencontre quand il devait avoir douze ans, sa soeur et moi quatorze ans.<br /> <br /> <br /> J' etais devenue la correspondante de sa soeur, depuis la visite de 'Frau Hangleiter' dans ma ville natale de Colmar avec sa chorale, Cantatenchor. Je suis retournee regulierement a Stuttgart au<br /> cours des ans,   (je correspondais avec sa soeur, le fais toujours) et etais devenue l' amie de sa mere. Margarete etait devenue ma premiere amie adulte lors de ma troisieme visite, je crois<br /> et nous avons correspondu regulierement jusqu'a sa mort. Je continue de correspondre avec Ellen, j' avais recu la visite de Peter a Chicago ou je vivais quand il faisait ses recherches a<br /> Portland, etc. etc. <br /> <br /> <br /> Quoi qu'il en soit, emotion de lire votre posting,d'etre projetee subitement dans l' intimite de la famille Hangleiter: les petits dejeuners dont je decrivais recemment les menus details a mes<br /> fils, l' espieglerie de Peter, l' evocation de la gentille Tante Lotte et de la grand'mere Oma. Lors de ma premiere visite, Oma passait son temps a toucher Peter de sa canne lorsqu'elle estimait<br /> qu'il ne se tenait pas suffisamment droit ( "Aufrecht!!" ).<br /> <br /> <br /> Mado Spiegler<br />
Répondre

Présentation

  • : Souvenirs et impressions littéraires
  • Souvenirs et impressions littéraires
  • : Souvenirs et impressions littéraires (d´un professeur retraité expatrié en Norvège)
  • Contact

Recherche