Promenade d´été

[ Mosnac, Moulin du Val de Seugne ]

A Mosnac, en Charente Maritime, où est née ma soeur. En face, la mairie qui abritait autrefois l´école et où enseignaient avec ferveur des instituteurs qui donnaient tout leur temps "aux petits" comme "aux grands". De la cour, pendant les jeux, on pouvait voir l´église, encore plus d´autrefois que l´école, et qui était toujours ouverte,  maison de Dieu qu´elle était alors. Il suffisait de pousser sa lourde porte et d´entrer dans sa douce fraîcheur simplement éclairée de deux ou trois cierges et des rayons de soleil qui percaient ses vitraux. Aujourd´hui, elle n´est ouverte qu´un dimanche sur deux, par peur des touristes malveillants en quête de quelque "antiquité".

Si vous sortez du jardin de la maison au magnolia majestueux, et que vous tournez tout de suite à gauche, vous atteignez bientôt une ancienne gare abandonnée près de laquelle se trouve un café qui ne se voudrait pas d´un autre âge comme elle. En poursuivant votre marche, vous arrivez à un pont de fer couleur lilas clair qui surplombe une voie ferrée où plus aucun train ne passe. Des herbes folles surgissent entre les rails. Du pont, la plaine légèrement vallonnée, couverte de champs de blé, ondule au vent, à perte de vue sous un ciel moutonné de nuages. La route est sinueuse et contourne le village de son sillage un peu courbe. Un tonnelle à une patte-d´oie enferme une Vierge Marie qu´une dévote Dame d´un siècle passé a fait construire pour la remercier de ses bienfaits.

En tournant à nouveau sur la gauche, vous revenez vers le village. Quelques croix dépassent un petit mur à peine droit. Si vous aviez poussé une grille grincante et rouillée, vous auriez pu entrer dans un enclos isolé du temps, au-dessus duquel brille en été un chaud soleil caché parfois par quelques nuages qui passent, et où des âmes dorment pour l´éternité. De ce petit enclos dans lequel des tombes fleuries par des mains crevassées ou non selon qu´elles travaillent la terre ou tiennent un stylo, la route regagne en pente très douce le centre du village. Une porte d´un vert délavé et désormais condamnée, indique qu´autrefois se tenait une épicerie. Vous pouviez vous y approvisionner en menus produits auprès d´une vieille femme souriante sans âge. Le village n´a plus qu´un bureau de tabac-papeterie-librairie au coin d´un tournant.

En poursuivant votre chemin, vous pouvez rejoindre, en passant par un jardin ouvert et bien entretenu, l´emplacement d´un coin de rivière qui servait autrefois de lavoir aux femmes et jeunes fiilles du village. Des libellules peuvent zébrer l´air au dessus de l´eau. D´immenses peupliers droits dressent leur tronc ; et leurs branches, aux feuilles miroitantes d´ombres et de soleil mêlés, bruissent au vent. Un autre pont, de pierre cette fois, au dos bombé et au parapet tavelé de gris, d´ocre et de mousse, enjambe la Seugne, en réalité la Sévigne, si l´on avait su lire correctement le nom de cet affluent de la Charente. S´ouvrent alors des chemins de traverse qui vous emmènent dans des champs de blé, d´avoine et plus récemment de maïs. Quelques taches rouges de coquelicots parsement le sommet des tiges de blé, chatoyantes de lumière et signes de l´oubli du temps.

Vous revenez au village par la route en tournant à droite. Il se love devant vous, ramassé sur lui-même, silencieux et tranquille. Vous n´avez rencontré personne au cours de votre promenade d´été. Il est comme endormi, hors du bruit du siècle.

Vous poussez à nouveau la grille du jardin près duquel les fleurs blanches du magnolia étalent  leur éclat. Un restant de soleil perce le feuillage et éclaire la fin de votre après-midi avant de disparaître, et laisser la place à un ciel bleu d´un fin bleu de Saintonge. Il ne vous reste plus qu´à attendre le bonheur du soir.