Je ne connais Bordeaux qu´à pied en juillet. Je vous laisse goûter ce très beau texte de Mauriac, publié en 1925 :
De la ville seule, je ne saurais dénombrer tous les visages. Le quartier de la Grosse Cloche avec la rue du Mirail où je fus, à cinq ans, chez les soeurs, puis à l´institution Sainte-Marie, ressuscite une figure chétive d´enfant que les maîtres n´aimaient pas (l´enfant a autant besoin que l´homme d´être beau pour être aimé). Terreur des leçons pas sues, des devoirs pas finis, angoisse d´être interrogé, d´être appelé au tableau, de recevoir en pleine figure la balle au jeu de la balle au chasseur ; supplice qu´à l´âge d´homme on ne supporterait plus, les pieds brûlés par les engelures dans de gros souliers humides ; enfin délivrance à six heures et demie ; aujourd´hui encore, quand six heures et demie sonnent, il m´arrive de saluer cette venue du soir qui dénouait autrefois mes bandelettes et soulevait la pierre de mon tombeau ; je remonte la rue du Mirail sous la pluie ou sous les étoiles, le cours Victor- Hugo (mes parents l´appelaient encore cours des Fossés), la rue Duffour-Dubergier ; un peu avant d´atteindre la Tour Pey-Berland et la cathédrale, je me haussais jusqu´à la sonnette d´une maison : celle de ma grand´mère, et où ma mère veuve s´était retirée. Dans l´escalier, une odeur de gaz et de linoléum me plaisait mieux qu´aucun parfum ; de marche en marche, je me rapprochais de mon bonheur, de mon amour ; du livre interrompu, du long repas sous la lampe ; de la prière récitée en commun ; du sommeil.
Pour découvrir la suite, il vous suffit de vous reporter à la réédition du texte qui vient de sortir : François Mauriac Bordeaux (L´Esprit du temps,Textes Essentiels, 2009, 92 pages, 9,50 €)
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[Illustration 1: Bordeaux, La Grosse Horloge; illustration 2 : Bordeaux, vue d´une fenêtre de la Tour Pey-Berland ]
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Lien possible : - La rue Beaugrenelle à Paris