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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 10:20

L´année 2009 est le 150e anniversaire de la naissance de Knut Hamsun (1859-1952), prix Nobel de littérature 1920. Ses errements politiques avant et pendant la seconde Guerre mondiale ne sauraient être totalement oubliés, mais ce que la Norvège commémore cette année c´est l´immense écrivain qu´il est et restera.

Ses premiers romans sont d´authentiques chefs-d´oeuvre qu´on ne cesse de lire, à savoir La Faim (1890), Mystères (1892), Pan (1894) et même Victoria (1898), légèrement en  dessous, mais sans doute le plus lu en Norvège. La traduction n´est pas toujours à la hauteur. Il faut dire que le style de Hamsun est unique en son genre. D´où la difficulté de rendre son souffle et son rythme, notamment quand il décrit le ciel et le temps suspendu du Nordland au printemps qui s´avance.

À ces chefs-d´oeuvre incontestables, fait suite une trilogie digne du plus grand respect dans laquelle Knut Hamsun se met en scène en vagabond que touchent encore et toujours le ciel du Nordland et sa nature qui ensorcelle : Sous l´étoile d´automne (1906), Un vagabond joue en sordine (1909), La dernière joie (1912).
Trilogie dans laquelle il pose à nouveau la question que, jamais, il ne cessera de se poser : "Que veut la femme ?"

Avec le diptyque Benoni et Rosa (1908), Knut Hamsun inaugure une nouvelle veine d´inspiration : la critique sociale d´une société qui cherche à s´adapter à l´évolution industrielle. Cela le conduira à écrire L´éveil de la glèbe (1917), nouveau chef-d´oeuvre qui lui vaudra en 1920 son prix Nobel de littérature. Suivra ensuite une oeuvre à mon avis raté, Le dernier chapitre (1924), surtout si on la compare à La Montagne magique de Thomas Mann, paru la même année 1924 ... Puis viendra une nouvelle trilogie, avec un personnage affabulateur mais attachant, le marin Auguste qui s´estime quelqu´un mais que personne ne prend au sérieux : Vagabonds (1927), Auguste le marin (1930), Mais la vie continue (1933).

Mais on se saurait oublier ses égarements politiques. Germanophile dès son plus jeune âge, Knut Hamsun le restera jusqu´à l´absurde. Il a soutenu sans jamais se renier Quisling et son parti, le Nasjonal Samling (=NS, Rassemblement National), qui deviendra collaborationniste pendant la guerre. Dès le 4 mai 1940, soit moins d´un mois après le 9 avril qui voit l´entrée des troupes allemandes en Norvège, il écrira dans le journal Fritt Folk (= Peuple libre) du Parti nazi et collabo NS : "Norvégiens ! Jetez vos armes. Les Allemands se battent pour nous et briseront la tyrannie de l´Angleterre." Il y a dans cette harangue saugrenue, un air que les Français entendront à satiété quelques années plus tard sous la plume de Harold Paquis : "Car l´Angleterre, comme Carthage, sera détruite." En 1943, il remet sa médaille du prix Nobel de littérature à Goebbels, Ministre de la Progagande. Et moins de dix jours après la mort de Hitler, il publie dans le journal Aftenposten du 4 mai une nécrologie dithytambique et démente commençant par ces mots : "Je ne suis pas digne d´élever la voix pour parler d´Adolf Hitler, combattant de l´humanité et apôtre qui répandit l´évangile des droits de toutes les nations." Ce sont sans doute ces derniers mots qu´on lui pardonne le moins. Il sera alors placé dans une institution psychiatrique, puis dans un asile de vieillards ( comme on disait ). On voudra faire de lui une  "personnalité aux facultés mentales affaiblies de façon permanente." Ce que son dernier ouvrage, publié en 1948, démentira totalement, car on retrouve un Knut Hamsun plein de verve et de jeunesse où l´humour primesautier alterne avec le plus grand plaisir de conter, même si une certaine mélancolie se fait entendre : "Un, deux, trois, quatre -- voilà ce que je suis en train de noter en écrivant mes broutilles, pour moi-même. Pour rien, seulement par ancienne habitude. Je laisse discrètement couler les mots. Je suis un robinet qui coule goutte à goutte, un, deux, trois, quatre." (Sur les sentiers où l´herbe repousse, Calmann-Lévy, 1981. Traduction : Régis Boyer).

La postérité parle pour lui. On ne peut totalement oublier ses errements politiques. Mais on ne l´a jamais vraiment mis au purgatoire et moins encore jeté aux oubliettes. Il est partie prenante du patrimoine littéraire de la Norvège. En 1929, lors de son 70e anniversaire, Thomas Mann, André Gide, Maxime Gorki, John Galsworthy, H.G. Wells le portent aux nues. Des écrivains aussi différents que Kafka, Bertold Brecht et Henry Miller exprimeront leur admiration ou leur dette. Ainsi que Manès Sperber et Isaac Bashevis Singer. C´est dire qu´il est toujours lu et relu. Lu et acheté. Sans cesse réédité. Abondamment illustré. Il a toujours été au programme des écoles et des universités. Il y a donc, en cette année du 150e anniversaire de sa naissance, des expositions, des célébrations diverses et maints colloques ; une pièce de monnaie commémorative de 200 Couronnes a été lancée. Quant au Roi et à la Reine, ils n´ont pas rechigné à inaugurer en grande pompe l´année commémorative. Mais aucune ville n´a encore de rue ou de place en son nom. C´est dire qu´il embarrasse encore, comme on peut le sentir en lisant ce qui est écrit sur le site officiel de la Norvège pour la France. Mais il est lu et relu, comme jamais auparavant. 

Knut Hamsun
n´a pas fini de faire parler de lui : parmi les romanciers norvégiens, il est celui qu´on a le plus porté à l´écran. À n´en pas douter, il le sera encore.






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