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17 mars 2008 1 17 /03 /mars /2008 13:04

LadyChatterley.jpg
L´Amant de Lady Chatterley
, de D.H. Lawrence (Folio no 2499, 539 pages) a été un beau sujet de scandale à sa parution en 1928. On peut le comprendre : on y trouve en toutes lettres les mots con, couilles et bien d´autres tous aussi crus. Loin d´être déplacés, ces mots prétendus obscènes - comme l´écrit lui-même Lawrence dans sa préface - font naturellement partie de la conscience que l´esprit a du corps. Quant aux scènes d´amour proprement dites, nombreuses et réalistes, elles sont d´un naturel et d´une fraîcheur inégalés. Vouloir les qualifier d´obscènes ou de pornographiques serait aujourd´hui en 2008 d´un non-sens absolu.

La présentation et les notes d´André Topia, professeur à l´Université de Paris III a du bon. Il met en évidence la déchirure historique, sociale et économique de l´Angleterre d´alors entre les communautés rurales et le monde industriel de la mine qui détruit le paysage, et le rôle que joue dans le roman la forêt, lieu de refuge et de liberté, tant pour le garde-chasse Mellors que pour Lady Chatterley. Mais, dans une assez belle formulation à l´emporte-pièce comme lui seul sait les écrire, André Malraux affirmera sans ambages : dans ce roman, il ne s´agit pas d´échapper au péché, mais d´intégrer l´érotisme à la vie, sans qu´il perde de cette force qu´il devait au péché.

Constance Chatterley connaît l´amour physique avant son mariage avec un jeune allemand qui sera tué au début de la guerre de 1914. Elle épousera ensuite un Sir Clifford Chatterley. Mais, sexuellement, il ne sera rien pour elle. Affreusement blessé au cours du même conflit, il perdra l´usage de ses deux jambes et restera pour toujours impuissant.
Et, devenu maître des mines de feu son père, il continuera de répandre la mort et la désolation par la suie qui sort des cheminées de ses usines, le bruit que ses forges font entendre, l´odeur pestilentielle que le vent propage et la laideur des habitations construites pour les ouvriers-mineurs. Constance, confinée dans un rôle d´infirmière à vie, s´étiolera alors peu à peu auprès de son époux impuissant. Elle retrouvera cependant peu à peu le goût de la vie en parcourant à pied la forêt environnante.
 
De son côté, le garde-chasse Mellors, profondément blessé par les expériences désastreuses qu´il a eu avec les femmes, et plus encore avec celle qu´il a épousée, s´est retiré volontairement dans la forêt. Son refuge est une cabane au milieu des bois. Il a certes droit de vie et de mort sur les terrains de chasse de son maître, Sir Clifford Chatterley, mais il pourvoit aussi à la vie en élevant des poules faisanes.

Constance découvrira d´abord de Mellors la nudité de son dos, alors qu´il se lave sans savoir qu´on le regarde. Fascinée, elle reviendra plusieurs fois à la clairière, autant pour Mellors lui-même que pour le havre de paix que lui offre les arbres, les fleurs et la cabane simple du garde-chasse. Quand un jour, émerveillée devant des poussins que des poules faisanes avaient mis au monde, elle reviendra pour s´agenouiller devant la cage et prendre dans sa main un poussin sans défense. Mellors, présent, sentira monter l´ancienne flamme qui lui poignait et lui traversait les reins, la flamme qu´il avait crue éteinte pour toujours. Scène étonnante de force, de vie et de tendresse, - comme toutes celles qui suivront quand Mellors et Constance se retrouveront pour jouir, non séparément, mais ensemble. Car ce que découvrira en effet Lady Chatterley avec son garde-chasse Mellors, ce ne sera rien moins que la vie et la tendresse. 

Oui, la tendresse d´abord, pour reprendre le titre que D.H. Lawrence lui-même a envisagé de donner un temps à son roman. Et ensuite la vie, la vie ! La nouvelle vie, pure, éclatante, sans peur !

Affirmer que ce roman-testament écrit trois fois est un chef-d´oeuvre de la littérature érotique n´est pas faux. Mais c´est le réduire. Il est beaucoup plus; il défend une thèse :  il prône une renaissance à partir d´une harmonie sexuelle authentique et précieuse. Il n´est  en rien pervers, obscène ou pornographique. Ce roman est au contraire d´une profonde modernité. Il cherche, pour reprendre la formulation de Lawrence lui-même, à être un roman phallique tendre et délicat, c´est-à-dire (...) relié au soleil et à terre, à la lune, aux étoiles fixes et aux planètes, selon le rythme des jours, des décennies et des siècles. Avec Lady Chatterley, Lawrence écrit lui même que ce qu´il veut, c´est adapter la conscience aux réalités physiques premières.

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