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5 décembre 2006 2 05 /12 /décembre /2006 06:53

Durant ma dernière année de lycée, en 1963-1964, alors que j´étais en Terminale à Annecy, j´ai eu un camarade interne comme moi qui avait une grand-mère ( ou une arrière-grand-mère ) qui possédait une maison à Saint Tropez. 

Cette aïeule ne manquait pas d´attraits car c´était une femme qui avait dans les veines du sang royal : son père ou son grand-père avait en effet régné sur le Cambodge ( à moins que ce ne fût sur le Laos...). Mes souvenirs sur ce point sont un peu flous. Toujours est-il que nous avons décidé un jour, non pas de rendre visite à cette aïeule fort âgée, mais de gagner la Côte d´Azur en stop et d´utiliser à son insu la cabane qui se trouvait au fond de son jardin.

C´est ainsi qu´un samedi en un début d´après midi de février 1964, nous nous sommes mis sur le bord de la route à la sortie de la ville d´Annecy, le pouce en l´air, pour gagner en stop la Côte d´Azur.

Le début du voyage s´est relativement bien passé et nous avons rapidemment été pris en stop. Mais nous nous sommes trouvés vers 19-20 heures en pleine rase campagne, et plus aucune voiture ne s´arrêtait. Nous étions déjà dans le Sud, mais il faisait un froid de canards épouvantable, et même si nous étions relativement bien couverts, nous grelottions de froid. Le ciel était d´un bleu étincellant, avec une lune parfaitement ronde qui nous éclairait de son reflet jaune doré, mais cela ne nous intéressait que médiocrement, car ce que nous désirions, c´était de gagner la cabane du jardin de Saint Tropez. Nous n´étions plus très loin, 30 ou 40 kilomètres tout au plus, mais aucune voiture ne passait en cette nuit claire  et froide. Pour ne pas avoir froid, nous marchions sur la route tout en levant le pouce lorsqu´une rare voiture passait. Mais personne ne s´arrêtait. C´est ainsi que nous avons dû faire 20 ou 25 kilomètres, ce qui signifie que nous avons marché 5 ou 6 heures. Nous étions fourbus. Il était 1 ou 2 heures du matin. Nous nous sommes finalement réfugiés dans un abri  de cars, et nous avons essayé de dormir le restant de la nuit. C´était sans compter sur le froid. Nous nous sommes certes assoupis, mais ni mon camarade ni moi n´arrivions à dormir. Ma montre indiqua 3 heures ; puis 4 heures. Le froid se faisait de plus en plus intense. Le temps avait changé, et un ciel chargé de nuages menacants était devenu notre horizon. Nous avons décidé de continuer notre approche de Saint Tropez à pied. Les 6 heures approchaient, le petit  matin se pointait et quelques voitures pouvaient à nouveau nous dépasser. L´une d´elles a fini par s´arrêter et nous a emmenés jusqu´à l´entrée de Saint Tropez. Mon camarade connaissait le chemin et c´est avec soulagement que nous avons pris possession de la cabane non fermée du jardin de l´ancienne princesse cambodgienne ou laotienne, aïeule de mon camarade de classe.

Il y avait dans cette cabane deux petits lits et deux sacs de couchage. Mon camarade  savait donc ce qu´il faisait quand il avait décidé de s´en servir pour y passer plusieurs jours à l´insu de sa parente. Nous nous sommes emmitouflés le mieux possible et nous nous sommes rapidemment endormis. A notre réveil, aussi étonnant que cela puisse paraître, Saint Tropez était couvert de neige. Il avait neigé pendant notre sommeil. Le soleil était revenu et un ciel bleu magnifique éclairait le jardin frigorifié. C´était la première fois que j´étais dans le Midi de la France. Découvrir Saint Tropez sous la neige ne manquait pas de charme. Je me suis senti, durant quelques minutes, un peu comme le premier homme. Par contre, je n´ai aucun souvenir de ce que nous avons fait durant les deux ou trois jours de notre séjour à Saint Tropez.

En revanche je me souviens bien, l´année suivante, alors que j´étais en propédeutique à l´Université de Tours et suivait des cours de géographie, avoir lu avec étonnement quelques lignes sur la baie de Saint Tropez du géographe Elisée Reclus (1830-1905), par ailleurs poète révolté qui combattra dans l´armée de la Commune. Il est bien oublié aujourd´hui, mais ses quelques lignes sur Saint Tropez ne manquent pas d´intérêts. Il vantait la beauté du site, la pureté du ciel, les bienfaits du climat et prédisait  que ce lieu serait dans les années à venir un lieu de villégiatures, autant l´hiver que l´été.

Depuis ce temps, je ne peux oublier les prédictiions de ce géographe largement méconnu aujourd´hui. Et quand, en décembre 1999 ou 2000, j´ai entrepris un voyage d´agrément avec ma compagne norvégienne sur la Côte d´Azur, avec une petite voiture louée dans la ville de Nice, je n´ai pas manqué de vouloir redécouvrir la baie de Saint Tropez, car j´avais toujours en mémoire, davantage que mes souvenirs d´adolescent faisant de l´auto-stop en pleine nuit, la prédiction du géographe Elisée Reclus. Et chose étonnante, alors que j´étais pour la seconde fois de ma vie sur la Côte d´Azur, c´est à nouveau sous la neige que j´ai découvert Saint Tropez. Les terrasses étaient ouvertes, quelques touristes hivernaux, comme ma compagne et moi, déambulaient dans la rue principale où se trouvaient côte à côte restaurants et cafés. Quelques courageux étaient assis à la terrasse et consommaient une bière, un café ou un chocolat chaud. Je n´ai pu m´empêcher de m´asseoir comme eux et c´est avec délices que j´ai contemplé la baie où était amarrés des bateaux de luxe. Je ne sais si un photographe amateur a pris ce jour-là des photos de la baie de Saint Tropez enneigée. Je n´ai à ma disposition que des mots. Je ne crois cependant pas qu´une photo, aussi bien prise soit-elle, puisse rendre plus vivace le souvenir que j´ai, un jour d´hiver froid et ensoleillé, de la baie de Saint Tropez sous la neige.  

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