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14 octobre 2006 6 14 /10 /octobre /2006 04:06

C´est à la fin des années 1950 et le début des années 1960 que je suis allé aux stations de sports d´hiver suisses Saas Almagell et Saas Fee, dans le canton du Valais. J´avais donc 14-18 ans. J´ y suis d´abord allé comme simple stagiaire de l´association "A l´école du sport", puis, à partir de l´âge de 15-16 ans, comme "moniteur de ski" bénévole.

Saas Almagell est une commune suisse dans le canton du Valais située à 5 km de Saas Fee, à un peu plus de 1.600 mètres d´altitude. Pour y aller,  on prenait le train de la gare de Lyon à Paris et on descendait  à la petite gare de Brig après la ville de Martigny. Un car jaune et au moteur énorme nous attendait. C´était souvent le même chauffeur qui conduisait. Dans la route en lacets qui montait jusqu´à Saas Almagell, ce chauffeur était impressionnant. Il tenait son volant à pleines mains, souriait tout le temps, et passait dans chaque virage à quelques centimètres seulement de la paroi de la montagne. Il connaissait bien la route. Le trajet était relativement long et c´était toujours avec soulagement que nous arrivions devant l´hôtel. Les propriétaires s´appelaient Zurbriggen. C´est surtout la femme qui s´occupait du bon fonctionnement de tous les jours de l´hôtel. Le mari, lui, un homme assez corpulent, grand et autoritaire, n´était là que rarement, étant, si mes souvenirs sonts bons, un élu ayant des responsabilités politiques et administratives non seulement dans la commune mais aussi dans toute la Suisse. A partir des années 1990, la commune est devenue très célèbre à cause de Pirmin Zurbriggen, champion de ski de descente et de slalom ayant remporté beaucoup de médailles de tous les métaux. L´ hôtel s´appelle d´ailleurs mainteneant  "Hôtel Pirmin Zurbriggen" et se situe à proximité des deux ou trois petites remontées mécaniques de Saas Almagell. Mais c´était à Saas Fee que nous allions faire du ski.

Saas Fee est à mes yeux une véritable perle pour y faire du ski. La publicité qui vante la commune parle d´ailleurs de "perle des Alpes". La commune est située à 1.800 mètres d´altitude, dans le massif dominé par le Dom, 4.545 m. Saas Fee était inaccessible jusqu´aux années 1950 par la route, ce qui explique que l´habitat traditionnel y subsiste. On y accédait alors par un chemin muletier. La circulation automobile n´est toujours pas autorisée, sauf pour les véhicules électriques. De très grands parkings ont été aménagés avant l´entrée du village. Pour gagner le départ des remontées mécaniques, il faut donc traverser tout le village à pied en portant ses skis sur l´épaule. On côtoie les vieux châlets d´autrefois, on  traverse la place, on passe devant l´église, on apercoit divers hôtels cossus ou plus modestes, et on arrive à son pas au départ des remontées mécaniques.J´ai toujours trouvé cette obligation saine et agréable. A l´exception de Zermatt, je ne sais si cette mesure écologique et de protection de l´environnement avant la lettre existe dans d´autres stations des Alpes. 

Le village est face à un glacier, le Feegleitscher.  Pour  gagner son sommet , un genre de crémaillère passe dessous. Les pistes de skis longent le ( ou les flancs ) du glacier. Mais lorsque j´étais à Saas Fee, je prenais surtout le téléphérique de Längflue (2.870 m.), que nous prononcions "langue floue" en sortant la langue de la bouche pour faire avec les lèvres un petit bruit enfantin. Nous partions très tôt le matin. Un car nous attendait à l´entrée de l´hôtel, descendait jusqu´au village voisin de Sass-Grund et remontait jusqu´à Saas Fee, distant de 5 km. Nous emportions avec nous des provisions mis dans un petit sac.Nous déjeunions ainsi, soit en bas de la station en s´asseyant au soleil à la terrasse d´un café face au glacier, soit au café-restaurant situé au sommet du téléphérique. Nous pouvions ainsi faire du ski toute la journée.  En fin d´après-midi, nous pouvions à nouveau nous asseoir dans un café pour attendre notre car qui allait nous ramener à l´hôtel. Mais nous pouvions aussi rentrer à ski. Il y avait en effet un chemin forestier qui partait de Saas Fee et qui nous conduisait jusqu´à l´hôtel. La pente n´était pas très forte, il fallait souvent pousser avec les bâtons, faire "le pas de patineur" pour nous donner un peu plus de vitesse. Mais regagner ainsi le village où nous logions à la tombée de la nuit avait un charme incontestable. Les étoiles s´allumaient lentement, la lune apparaissait et nous savions que nos chambres nous attendaient avant le repas du soir toujours fort consistant. Il m´est arrivé un ou deux dimanches matins ensoleillés d´aller à pied ou à ski jusqu´à Saas Fee et il n´était pas rare de voir d´autres promeneurs qui donnaient à manger à des écureuils guère effarouchés. Il m´est même arrivé un fois ou deux de voir quelques biches. Il ne me semble pas qu´elles étaient tellement effarouchées.

Nous ne faisions que très rarement du ski à Saas Almagell. Ce n´était que les jours de pluie, ou les jours où les remontées mécaniques de Saas Fee étaient fermées pour une raison ou pour une autre. Il y avait à la sortie du village une magnifique salle de sport avec tout près une patinoire. Nous avons une fois fait un match de hockey sur glace contre des garcons de Saas Almagell.  Nous avions parmi nous un grand Canadien toujours coiffé d´un immense chapeau à rebords. Les garcons du village n´avaient d´yeux que pour lui car il était le seul à pouvoir rivaliser avec eux.  Nous n´avions pas l´habitude de descendre à Saas-Grund. Je me souviens pourtant y être allé une ou deux fois un dimanche matin, et avoir été impressionné par ce que j´y ai vu. Il devait être 11 heures ou midi, et au milieu de la place, devant l´église, se tenaient des dizaines et des dizaines de femmes, toutes en noir, qui discutaient de manière animée. Puis les cloches de l´église se sont tues et toutes ces femmes se sont dispersées. Il n´y avait pratiquement pas d´hommes, si ce n´étaient des vieillards. Il n´y avait pas non plus beaucoup d´enfants, du moins ces une ou deux fois où j´étais là.

Derrière l´arrivéee du téléphérique de Längflue, se trouve à environ 3.000 mètres d´altitude, Britania-Hütte, autrement dit le refuge de Britania. Il faut remonter les pistes pour rejoindre Felskinn puis l´Egginerjoch. Si mes souvenirs sont bons, le trajet dure entre une demi-heure et une heure. Ca monte légèrement, on passe à un moment donné par une crête escarpée; le vent peut être violent.  Mais ce n´est pas dangeureux, la piste est balisée, et, sauf par temps de brouillard intense, il est facile de se repérer. Les premières fois où j´y suis allé, c´était surtout pour simplement  "varier les plaisirs" du ski et m´initier à peu d´efforts à une autre forme de ski. C´était aussi une facon facile de découvrir la vie d´un refuge de montagne. C´est là que j´ai rencontré pour la première fois des vrais montagnards, des alpinistes et des skieurs dits de "haute montagne". Dans l´association "A l´école du sport", j´étais une sorte de "moniteur de ski". J´encadrais les plus forts, même si je suivais avec eux des cours de ski avec des vrais moniteurs. J´ai émis un jour le souhait d´emmener avec moi des volontaires jusqu´à Britania-Hütte et d´aller à ski jusqu´à Zermatt, la station de ski voisine. Le responsable de l´association a accepté. Je suis donc parti une fin d´après-midi avec un petit groupe de courageux jusqu´au refuge pour y passer la nuit et partir le lendemain avant le lever du soleil, entre 3 et 5 heures du matin, pour gagner Zermatt. Nous nous sommes mêlés aux skieurs de grandes randonnées du refuge, qui, comme nous, projetaient de se rendre à Zermatt, mais aussi d´alpinistes chevronnés. Un ou deux groupes étaient moins expérimentés et avaient avec eux un guide de haute montagne. En ce qui concerne le groupe dont j´avais la charge, le guide, c´était moi ! Je n´avais jamais fait cela auparavant, je n´étais jamais allé à ski jusqu´à Zermatt, je ne connaissais ni le tracé, ni la longueur de la course et encore moins sa difficulté. Le brouillard s´est installé durant la soirée, et je me suis mis à paniquer. Serais-je à la hauteur ? N´étais-je pas un présomptueux ? Un inconscient ? Un irresponsable ? Qu´est-ce qui m´avait pris de prendre une telle responsabilité ? J´avais la gorge nouée et n´arrivais à rien manger. Je me suis mis à côté d´un tout petit groupe composé de trois ou quatre personnes et qui avait engagé un guide. Ce guide parlait francais et répondait aux questions que je lui posais avec simplicité et amabilité. Fallait-il traverser un glacier ? Y avait-il des crevasses ? Des ponts de neige ? Fallait-il passer un ou plusiuers cols ? C´était parfaitement balisé et la course ne présentait aucun danger, disait-il. Reste que je n´étais pas tranquille, quand il m´apprit que le groupe qu´il devait emmener se désistait, l´une des femmes ayant une indisposition. Le guide était donc libre ! Et c´est avec grand soulagement que je lui ai demandé s´il voulait être notre guide à nous. J´ai lui ai alors demandé quel était son prix  et c´est sans discuter que j´ai accepté. J´ai pu ensuite prendre un peu de nourriture. Mais j´avais toujours la gorge nouée.

Le lendemain a été une journée magnifique. J´ai vu le Mont Rose au lever du soleil et j´ai compris que son nom n´était pas usurpé. Il se dressait, majestueux, dominant tous les autres sommets de sa crête auréolée de soleil, au milieu de cette immensité à la fois blanche, rose, ombragée par endroits et silencieuse. J´ai oublié si ce spectacle n´a duré que quelques minutes ou un peu plus longtemps. Mais je l´ai toujours dans les yeux. La journée a été longue et j´ai dû encourager plus d´une fois certains skieurs de mon groupe, dont une fille qui était toujours à la traîne. Nous n´avions fait jusqu´à présent que du ski sur pistes, et qui plus est, du ski sur pistes balisées. Dire que je n´ai pas peiné moi-même serait faux. La montée jusqu´au col qui conduit à l´entrée de la vallée qui descend sur Zermatt est une longue "bavante" fastidieuse. Mais le panorama est grandiose et d´une blancheur immaculée que le bleu intense du ciel fait miroiter encore plus. Quant à la descente sur Zermatt, elle est restée pour nous tous comme pour moi inoubliable. Une piste de plus de 20 kilomètres de neige poudreuse totalement vierge que seuls quelques skieurs de haute montagne comme nous étaient en train d´emprunter. Avec à l´horizon ou derrière soi,  le Cervin, aussi appelé Matterhorn. C´est à la suite de cette première randonnée que je me suis inscrit au CAF, c´est-à-dire le Club Alpin Francais. Zermatt n´est pas un village, mais une vraie petite ville. Reste qu´elle a gardé son aspect typique de village valaisien de montagne. Le centre est interdit aux automobiles. Seules les voitures électriques sont autorisées, comme à Saas Fee. Mais j´ai entendu dire que Zermatt est la station le plus chère d´Europe, notamment pour les remontées mécaniques. C´est la seule fois où j´y suis allé. Nous sommes rentrés à l´hôtel par le train puis par le car régulier. Nous étions tous fourbus, éreintés, mais bronzés comme jamais auparavant. Et pas peu fiers de notre équipée.

Durant l´été 1973 ou 1974, je suis retourné à Saas Almagell avec ma femme norvégienne Toril, mon beau-frère Claus et sa femme Anne Marie. Les propriétaires de l´hôtel, les Zurbriggen, se souvenaient apparemment de moi. C´est en tout cas ce qu´ils m´ont fait croire. Nous n´avons passé qu´un nuit et n´avons fait qu´une petite promenade en forêt. Je me souviens que j´aurais aimé voir et montrer à ceux qui m´accompagnaient deux ou trop biches apeurées. Mais nous parlions tous à voix beaucoup trop haute. Il n´est pas exclu, dans les années qui s´ouvrent devant moi, entre janvier et avril, que je passe seul ou acompagné, une ou deux semaines à Saas Almagell.

 

 

 

 

 

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