Je découvre Quevedo et ses sonnets (1580-1645).(Francisco de Quevedo Les Furies et les Peines 102 sonnets. Choix, présentation et traduction de Jacques Ancet, Poésie / Gallimard. Edition bilingue, 2010, 300 pages).
Dans plusieurs de ses sonnets dit métaphysiques, sa langue baroque évoque avec force l´approche inéluctable de la mort, thème récurrent de son époque et que lui-même a vécu au plus près. Comme le rapporte le préfacier Jacques Ancet, on peut s´étonner avec Borges que Quevedo ne figure pas au Panthéon des lettres universelles. Du peu que je sais aujourd´ hui de cet Espagnol aux idées tranchées, ils doivent avoir raison. Pour preuve ce sonnet "métaphysique" qui, comme tous les autres sonnets que Jacques Ancet a traduits, reprend sans déroger la dure contrainte du décasyllabe et de la rime :
OÙ L´ON SE REPRÉSENTE LA BRIÈVETÉ
DE CE QU´ON VIT, ET LE NÉANT
QUE SEMBLE CE QUE L´ON A VÉCU
"Hé là ! la vie !" ... Personne ne m´entend ?
À moi, les autrefois que j´ai vécus !
Dans mes années, la fortune a mordu ;
les heures, ma folie leur fait écran.
Et sans pouvoir savoir où ni comment
ma vigueur et mon âge ont disparu !
La vie manque, demeure le vécu,
je ne suis assiégé que de tourments.
Hier a fui et demain n´est pas là ;
aujourd´hui passe, et il passe sans fin.
Suis un fut, un sera, un est trop las.
Dans l´aujourd´hui, l´hier et le demain
je joins linge et linceul ; reste de moi
une suite présente de défunts.
Lien :
- "Un souvenir" d´Yves Bonnefoy