Hier soir, dimanche 11 novembre 2012, l´actrice finlandaise de langue suédoise Stina Ekblad, accompagnée du pianiste norvégien Einar Steen-Nøkleberg, a lu dans l´église Kampen d´Oslo plusieurs poèmes du Nobel Tomas Tranströmer qu´elle a aussi commentés. Choix judicieux, mettant sans emphase la force souvent fulgurante des nombreuses métaphores visuelles du poète, mais aussi sa profonde connaissance de la musique, qui toute sa vie, était pour lui sérénité : d´où les poèmes choisis où Grieg, Haydn et Schubert figurent. Mais il sait que "le grand affront" et " le coup de hache" - c´est-à-dire le coup du sort - peuvent toujours frapper. C´est donc tout naturellement par le quatrième et avant dernier mouvement du poème Schubertiana de 1978 que la soirée s´est terminée :
Tant de choses auxquelles nous devons faire confiance pour parvenir à vivre notre vie quotidienne sans nous enfoncer en terre !
Faire confiance aux masses de neige qui s´agrippent à la montagne au-dessus du village.
Faire confiance aux promesses de silence et aux sourires entendus, être persuadé que les télégrammes funestes ne nous concernent pas et que le soudain coup de hache inérieur ne nous frappera pas.
Faire confiance aux essieux qui nous portent sur l´autoroute, au milieu d´un essain d´abeilles en acier trois cents fois agrandies.
Mais rien de tout cela ne mérite, à vrai dire, notre confiance.
Les cinq musiciens nous disent que nous pouvons faire confiance à tout autre chose.
À quoi donc ? À autre chose, et ils font un bout de chemin avec nous, vers là-bas.
Comme lorsque la lumière s´éteint dans l´escalier et que la main suit - confiante - la rampe aveugle qui se dirige vers le noir. (trad. Jacques Outin)
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En ouverture de ce merveilleux final fut joué de Schubert le serein Impromptu i Gess dur ci-joint :
http://www.youtube.com/watch?v=L6_SbflSwAg
Liens :
- "Comme quand on était enfant" du même Tranströmer
- Du même Tranströmer : "un costume cousu à notre insu"
- Autre joyau du même : "Voûtes romanes"
[illustration 1 : Cathédrale de Stockholm ; illustration 2 : Tomas Tranströmer dans son appartement]