Eloge de l´amour est un très bel essai philosophique. Vif, court et enjoué, il est dû au fringant philosophe septuagénaire Alain Badiou qui, invité par Nicolas Truong, journaliste au Monde et responsable du "Théâtre des idées" au Festival d´Avignon, avait accepté en 2008, face à un public jeune ou non mais enthousiaste, de répondre à ses questions. C´est ce dialogue, revu, corrigé et développé que l´on peut désormaisi lire (Flammarion, Café Voltaire, 2009, 90 pages, 12 €). Il est magnifique et accessible à tous.
L´amour est d´abord une rencontre ; et donc, par définition, éminemment aléatoire, contingent, imprévisible. C´est donc un événement, c´est-à-dire "quelque chose qui n´entre pas dans la loi immédiate des choses". Mais qui, pour mériter le terme de véritable amour, doit s´installer dans ce que le poète appelle avec raison "le dur désir de durer". C´est dire, en termes un peu plus philosophiques que "l´absolue contingence de la rencontre de quelqu´un que je ne connaissais pas finit par prendre l´allure d´un destin". Plus simplement, c´est affirmer ceci : "ce qui était un hasard, je vais en tirer autre chose. Je vais en tirer une durée, une obstination, un engagement, une fidélité". Belles répétitions, simples et chaleureuses, qui révèlent bien le savoir-faire pédagogique du philosophe qui ne rechigne pas de redire en d´autres termes voisins et connus de tous sa propre pensée ; et de laisser le temps à son auditoire - puis ses lecteurs - de comprendre ainsi l´importance qu´il donne à la construction que nécessite l´amour si l´on veut saisir sa vérité première : sa victoire sur les épreuves du temps.
L´amour fou qui surgit dont on ne sait d´où, et que les romantiques puis les surréalistes ont exalté, est indéniable ; mais l´amour existe-t-il vraiment si "le laborieux devenir de vérité construit point par point" fait défaut ? La réponse que donne Alain Badiou est non. Tout le problème est là : l´amour n´existe que si le sentiment d´éternité qui surgit dans la rencontre s´inscrit dans le temps.
Telle est la belle leçon de ce philosophe septuagégaire, qui, rendant aussi hommage au magnifique texte d´André Gorz Lettre à D. Histoire d´un amour, démontre en termes simples et compréhensibles par tous, que l´amour est certes un commencement, mais surtout et avant tout une aventure obstinée. D´où cette formule, curieuse mais juste : "l´amour, c´est une lutte réussie contre la séparation" ; - et, dans la joie, qui est la tienne d´abord, il conclut, par ce magnifique vers de Mallarmé :
Dans l´onde toi devenu(e)
Ta jubilation nue.
Autre lien :
- Rainer Maria Rilke : Les Elégies de Duino
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