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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 14:56

C´est essentiellement pour découvrir et contempler les oeuvres sculptées du Bernin que je me suis rendu à Rome en plein été. Ses fontaines donnent à l´eau son frémissement incessant, magnifiant ainsi l´exubérance baroque. Mais outre ses fontaines, il est de l´art du Bernin une oeuvre encore plus exemplaire : Le rapt de Proserpine qui se trouve à la Villa Borghese. Avec elle, Le Bernin reprend, pour l´exalter plus encore, l´ambition première de maints sculpteurs grecs : fixer l´instant dans la pierre. 

Emportée par Pluton tenaillé par son désir, Proserpine, le visage défait, tourne son regard en arrière. L´émotion ressentie en découvrant cette oeuvre, bien que très différente, est pourtant comparable à celle que je ne cesse d´avoir chaque fois que je me rends au Louvre et que je découvre La Victoire de Samothrace, dressant de toute sa hauteur au sommet des marches qui clôt l´immense galerie où elle est exposée, ses ailes déployées. Plus encore, quand on est parvenu à ses pieds, ce qui est admirable, c´est le mouvement des plis de sa robe que plaque sur son corps le vent qui la tourmente.

L´ambition du Bernin avec Le rapt de Proserpine est sans doute aussi grande : il ne drape pas ses deux personnages dans leur dignité réciproque, mais au contraire dans l´effroi qui les saisit tous deux, fixant ainsi dans le marbre l´événement qu´est l´enlèvement lui-même, - c´est-à-dire le passage entre un avant et un après, donnant ainsi au spectateur abasourdi, le sentiment d´assister non seulement à ce qui est, mais aussi à ce qui sera dans l´instant qui va suivre : le viol de la nymphe.

À ce titre, Le rapt de Proserpine est une oeuvre exemplaire. Pluton, roi des enfers, est tout entier possédé par le désir ; plus rien ne le retient. Ses doigts serrent frénétiquemnent la chair de sa victime. Proserpine, pleine d´effroi, ne peut que tourner son visage en arrière, sur les joues duquel perlent deux larmes en gouttes de diamant. Ce que Le Bernin fige donc dans le marbre, ce n´est rien moins que ce double événement : le désir insensé de Pluton que les sens emportent et, opposée, la terreur éplorée de Proserpine. Pluton est viril et prédateur ; il est sans retenue. Sa bouche révulsée, comme sa barbe et ses cheveux, dénotent la fureur de son désir. Et Proserpine ne peut d´autant moins s´opposer à ce roi des enfers qu´aux pieds de Pluton, fier et altier, se trouve Cerbère, le monstre aux trois têtes qui protège sans partage son maître.

Datant de 1621/1622, cette oeuvre, à n´en pas douter, est un tournant fondamental dans la production du Bernin. Exécutée alors qu´il n´avait pas 25 ans, elle reprend, en la portant à un degré de quasi perfection, ce que la sculpture grecque avait pour ambition, avant celle du Bernin : donner au spectateur l´ineffable sentiment que dans l´instant qui va suivre,  la sculpture exposée, malgré son immobilité, allait s´animer de son propre mouvement. 

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commentaires

A
Ta raison Tanguy
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T
La visite de la villa Borghese est un des grands évènements d'une vie.
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