Vivre dans le feu de Marina Tsvetaeva (1892-1941), est un montage de textes de prose ordonné par Tzvetan Todorov (Biblio roman, 2008, 732 pages, 8 €). Il est essentiellement constitué d´extraits écrits au jour le jour et de lettres envoyées ou non à une multitude de correspondants poètes et écrivains auxquels elle déclare son amour après les avoir lus. On apprend ainsi beaucoup sur elle-même, sur ses "engouements" de toutes sortes, ses "idylles cérébrales", notamment Boris Pasternak ou Rainer Maria Rilke. C´est certes très bien fait. Mais ce montage autobiographique ne dit à peu près rien de l´importance que représente pour elle la seule poésie : elle ne fait que se raconter. C´est dire le côté décevant de l´entreprise..
On apprend tout ou presque de son existence quotidienne : son amour immodéré pour les mots dès sa plus tendre enfance, sa difficulté de vivre après la révolution d´Octobre, ses sympathies pour la contre-révolution, son engagement du côté des "Blancs", une fille morte de faim, ses exils à Prague puis en France, l´indifférence des écrivains français, l´hostilité des écrivains russes de l´émigration, la méfiance des écrivains soviétiques qui l´ignorent ou la dénigrent. Puis, après un premier refus de rentrer en Union soviétique, sa craintre de s´y rendre ; et pour finir, la vie sordide qui sera la sienne quand elle sera sur place dans la bourgade d´Elabouga. Ne restera alors pour elle qu´une issue : le suicide après une dernière lettre destinée à son fils Mour.
Cette autobiographie reconstituée par Tzvetan Todorov à partir des carnets et lettres de Marina Tsvetaeva est certes poignante, mais à aucun moment elle ne permet de soupçonner ce que peut être la fulgurance de sa poésie. Rien ne permet de vraiment comprendre ce qu´elle appelle l´être en opposition avec l´existence. Il faut donc prendre cette reconstitution uniquement pour ce qu´elle : l´hommage que Tzvetan Todorov rend à une exilée comme lui, et qui n´aimait la vie qu´a partir du moment où la création poétique lui permettait de la transfigurer.