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28 avril 2009 2 28 /04 /avril /2009 12:51
Il est des écrivains auxquels je ne me lasse pas de revenir. Montaigne, dans sa langue originale, est l´un de ceux-là. Fernando Pessoa en est un autre. Pour Montaigne, parce que l´analyse incessante qu´il fait de lui-même est de plus en plus profonde au fil des ans tout en étant naturelle et simple ; - ce qui donnerait  à croire qu´on aurait presque pu penser ce qu´il écrit.

Avec Pessoa, c´est un peu plus compliqué, car tout en revendiquant par de multiples hétéronymes les très nombreux moi fort différents et pourtant complémentaires qu´il découvre en lui, il nous fait découvrir ce qu´on n´osait penser, mais qu´on avait soupçonné sans l´avoir vraiment pensé. Son exigence de probité est totale, mais il n´est pas moins intimement convaincu que sa vie est d´un vide absolu. 

Pour Robert Bréchon, jamais personne avant lui "n´a mis autant de soin à décrire le néant de la vie quotidienne.

Tous les fragments de son "autobiographie sans événements" sont plus vrais les uns que les autres comme toutes les parties constituantes d´une chimère : - à une différence près : sa chimère a fini par exister pour former une authentique merveille littéraire : Le livre de l´intranquillité.

   Je ne possède pas mon propre corps : comment, grâce à lui, pourrais-je posséder ? Je ne possède pas mon âme : comment pourrais-je posséder grâce à elle ? Je ne comprends pas mon propre esprit : comment, grâce à lui, pourrais-je comprendre ?
   Nos sensations passent : nous ne pouvons donc les posséder. Et moins encore ce qu´elles désignent. Peut-on posséder le fleuve qui coule, et à qui donc appartient le vent qui passe ?
   Nous ne possédons ni un corps, ni une vérité -- pas même une illusion. Nous sommes des fantômes de mensonges, des ombres d´illusions, et ma vie est aussi vaine au-dehors qu´au dedans.
   Qui donc connaît les frontières de son âme au point de dire : je suis moi-même ?

Mais je sais ce que j´éprouve, c´est moi qui l´éprouve


Quand un autre possède ce corps, possède-t-il dans ce corps la même chose que moi ? Non. il en possède une sensation autre.

Possédons-nous quoi que ce soit ? Si nous ne savons ce que nous sommes, comment saurions-nous ce que nous possédons ?
 
 Fernando Pessoa Le Livre de l´intranquillité de Bernardo Soares. Traduit du portugais par Françoise Laye. Présenté par Robert Bréchon et Eduardo Lourenço avec une introduction de Richard Zenith. Edition intégrale. (Christian Bourgois Editeur, 1999, 572 pages, 27 €) (Extrait du fragment 364 page 353)

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